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L’Etat-Nation contre lui-même ? Chronique d’une mort annoncée de l’Etat-Nation en Europe.

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La crise des réfugiés et la montée des populismes pose avec acuité la question de la viabilité de l'Europe politique. Désormais un paradoxe surgit nettement : plus l’Europe élargit le rang de ses membres, plus l’Etat-nation fait son retour et se durcit. La particularité européenne, notamment par rapport aux Etats-Unis, a consisté en une tentative d’effacement de l'Etat-nation pour composer un ensemble plus vaste. Mais ce « grand ensemble » est vide de sens. Telle est l’analyse de Pierre Manent (La Raison des nations : Réflexions sur la démocratie en Europe, 2006) qui explique pourtant que « l'Etat-nation fut à l'Europe moderne ce que la cité fut à la Grèce antique : ce qui produit l'unité, et donc le cadre de sens, de la vie en produisant la chose commune. ». L'Etat-nation en se diluant apportait alors à l’Europe, une promesse culturelle et démocratique, un rêve d’humanité partagée.

 

 

 

l’Etat-nation, construit historiquement sur la garantie des droits des citoyens

 

 

Or le rétablissement récent des frontières nationales interroge le projet d’une Union européenne qui paraît en voie de dissolution : incapacité d’un Espace Schengen à définir et à protéger clairement ses frontières, relâchement politique et institutionnel en instituant une gouvernance molle, fuite face aux responsabilités politiques régaliennes en matière de politique étrangère commune, aveuglement identitaire en refusant de prendre en compte le patrimoine culturel européen en oubliant de l'articuler à ses racines culturelles et religieuses, dérives économistes générant une source intarissable de frustrations pour les « citoyens » précarisés, enfin perte totale de sens parce que le sel et l’esprit de l’Europe consistaient bel et bien de se fondre dans une humanité globale … alors même que la citoyenneté européenne n’est toujours pas définie ! L’exemple de la montée récurrente du Front National en France depuis 30 ans –et des extrémismes populistes dans nombre de pays européens- montre à l’évidence l’impasse européenne qui n’aura pas voulu se donner les moyens d’une politique à la hauteur de son projet politique.

 

Finalement, il nous faut constater la difficulté majeure de faire vivre ensemble des citoyens qui ne partageraient aucune histoire et identité communes, cherchant le repli sur eux-mêmes et sur une nation rabougrie et enfermée par ses invocations autour de la notion de souche pour sa population. Avec cette perspective, l’Etat-nation s'apparente bien plus à une définition politique moyenâgeuse des rapports sociaux où les sujets obéissaient à leurs maîtres en acceptant la privation de leurs droits en échange de leur sécurité… Dans un contexte politique de restriction des libertés publiques qui parcourt toutes les démocraties du monde occidental, le risque non négligeable –à côté de celui qu’impose les terrorismes dogmatiques- est celui d'accentuer le fractionnement et le délitement du cadre et des fondements de l’Etat- nation- alors qu'il s’était pourtant construit initialement sur la délivrance et la garantie des droits au bénéfice de la communauté des citoyens.

 

 

 

La disparition programmée de l’Etat-nation

 

Il existait globalement deux possibilités de création d'un État-nation : soit l'État préexistait à la nation, et s'y développait un sentiment nationaliste, soit les individus qui se reconnaissaient d'une même nation, en particulier dans le cas d'une nation « ethnique » ou « civique», manifestaient leur volonté de vivre ensemble, en se dotant d'un État. Or quelle que soit la voie empruntée, l'Etat en Europe, est devenu un territoire, une identité collective, mais c'est une administration et un pouvoir fiscal, enfin surtout un système de redistribution (Etat providence). La mondialisation mais aussi le caractère multiculturel des sociétés modernes vont continuer à bousculer l'Etat dans chacune de ces composantes. Ces phénomènes supposent à terme la disparition de l’Etat-nation.

 

C’est en tout état de cause la question de son dépassement qui est posée. Le philosophe allemand Jürgen Habermas (Après l'État-nation. Une nouvelle constellation politique, 2000) nous invite à y réfléchir. Avec la disparition programmée de l'Etat-nation, il n’y aura pas d’autre alternative que d’assurer la promotion d'une citoyenneté et d’un cosmopolitisme à l'échelle du vieux continent, explique Habermas. Celui-ci préconise une solution : le découplage entre l'identité nationale et l'exercice de la citoyenneté favorisant l’émergence d’un « patriotisme constitutionnel » dans le cadre d'un fédéralisme européen. Puissent les classes politiques y réfléchir vite car c’est la fonction même du Politique qui est en sursis !

« Sarkozy a tué la République et nous, on a tué la politique !» clamait (courant décembre 2015) l’ex-ministre et ex-première Secrétaire du Parti socialiste français, Martine Aubry.

Cette parole illustre les écueils des pratiques et de la pensée politique tant au niveau des politiques nationales que des politiques européennes.

 

 

Pascal Politanski (Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques / Ovipal / 10 décembre 2015.)



14/12/2015
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