. . . . OVIPAL - OBSERVATOIRE DE LA VIE POLITIQUE EN ALSACE . . . .

.       .   . . OVIPAL - OBSERVATOIRE DE LA VIE POLITIQUE EN ALSACE . . . .

Elections européennes, élections atypiques

 

Les élections des années 1980 à 2017

 

D’une façon générale, le comportement électoral des Français aux élections européennes présente un décalage par rapport à ce qu’il est aux autres élections (présidentielles, législatives, régionales et départementales). En effet, des années 1980 à 2017, le système partisan français était un système à deux pôles de type gauche-droite, construit autour de deux partis principaux et de leurs alliés respectifs :

 

A gauche les socialistes et leurs alliés (communistes, verts, radicaux de gauche…)

A droite le RPR-UMP-LR et ses alliés (UDF, UDI…)

 

Jusqu’en 2017, ces deux partis principaux ont réussi à conserver leur domination électorale dans leurs pôles respectifs à pratiquement toutes les élections, sauf aux européennes, où des remises en question de cette domination se produisaient dès les européennes de 1984 :

Les européennes de 1984 virent l’émergence électorale du Front national. Certes, avec 11 % des voix, il était loin derrière la liste UDF-RPR dirigée par Simone Veil (43 % des voix) et la liste socialiste de Lionel Jospin (21 % des voix). Mais ce score constituait la première étape dans son ascension qui allait participer au bouleversement du système partisan français trois décennies plus tard (à la présidentielle de 2017).

 

Aux européennes de 1994, la liste socialiste dirigée par Michel Rocard n’obtenait que 14 % des voix et était talonnée par la liste radicale de gauche de Bernard Tapie (12 % des voix). Cette contreperformance de Michel Rocard provoqua son éviction du poste de premier secrétaire du parti socialiste, la fin de ses espoirs pour la présidentielle de 1995 et la fin de sa carrière politique.

 

Aux européennes de 1999, la liste souverainiste de droite dirigée par Charles Pasqua et Philippe de Villiers, avec 13 % des voix, dépassait d’une courte tête la liste RPR dirigée par Nicolas Sarkozy. Philippe de Villiers avait déjà obtenu 12 % des voix aux européennes de 1994, alors qu’aux présidentielles de 1995 et de 2007, où il avait également tenté sa chance, il avait eu des scores beaucoup plus faibles (5 % en 1995 et 2% en 2007).

 

Aux européennes de 2009, ce sont les Verts, qui avec 16 % des voix, faisaient jeu égal avec les socialistes. D’une façon générale, les Verts obtenaient des scores élevés aux européennes (9 % aux européennes de 1999 et de 2014) alors qu’aux présidentielles ou aux législatives ils ont toujours obtenu des scores beaucoup plus faibles (2 % aux présidentielles de 2007 et de 2012) du fait de la prédominance des socialistes à ces élections là.

 

L’influence du mode de scrutin

 

Ces écarts entre le vote aux européennes et le vote aux autres élections résulte des différences dans le mode de scrutin. Les élections présidentielles, législatives et départementales sont des élections au scrutin majoritaire à deux tours, qui incitent à des comportements de " vote utile ". (1) Il s’agit de voter au premier tour pour le candidat de son camp – gauche ou droite - qui a le plus de chances de l’emporter au second tour.

 

C’est le vote utile qui permet d’expliquer le maintien de la prédominance des socialistes et du RPR-UMP-LR respectivement à gauche et à droite jusqu’en 2017. Pour les élections européennes, qui sont les seules élections en France à la proportionnelle, le vote utile n’a aucun sens.

 

Dès les années 1980, ces élections là permettaient aux électeurs de sensibilité de centre gauche d’osciller entre vote socialiste, vote vert ou vote radical de gauche (en 1994) alors que pour les présidentielles et les législatives ils votaient de façon principale pour les candidats socialistes. (2) Il en allait de même pour les électeurs de droite dans leur choix entre vote RPR ou vote Pasqua - de Villiers.

 

D’une façon générale, le mode de scrutin majoritaire favorise le regroupement autour des partis dominants, c’est-à-dire en fait autour des partis établis. Le mode de scrutin proportionnel en revanche favorise la dispersion électorale. Il joue en faveur des nouveaux partis (FN à partir de 1984, Verts à partir des années 1990), même si l’émergence de certains partis – ou de certaines listes - peut être sans lendemain (liste Tapie en 1994).

 

L’effondrement de LR et des socialistes qui s’est produit à partir de la présidentielle de 2017 a rebattu les cartes. Et le schéma d’un système partisan relativement stable à toutes les élections sauf aux européennes appartient désormais au passé. Il est très probable cependant que les rapports de force électoraux qui s’étaient établis aux élections présidentielles et législatives de 2022 sur la base d’un système à 3 pôles – Macron (Renaissance) – Le Pen (RN) – Mélenchon (LFI) – seront rompus aux européennes de 2024.

 

 

Bernard Schwengler

OVIPAL

17 avril 2024

 

(1) Les élections régionales quant à elles sont des élections avec un scrutin de liste, mais qui favorise très nettement la liste arrivée en tête.

 

(2) Au premier tour de la présidentielle de 2002, Lionel Jospin fut certes dépassé par Jean-Marie Le Pen. Mais avec 16 % des voix, il était largement devant les autres candidats de gauche, Arlette Laguiller (6%), Jean-Pierre Chevènement (5 %) etc. L’élimination de Lionel Jospin constituait la première remise en question de la prédominance socialiste-UMP aux présidentielles. Mais en 2002, le parti socialiste restait le principal parti de gauche.

 



17/04/2024
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au site

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 866 autres membres