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François Fillon. Victoire du candidat anti-promesse ?

  L’un des défauts, réel ou supposé, des hommes politiques, est qu’ils feraient des promesses avant les élections qu’ils s’empresseraient d’oublier une fois élus. La primaire de la droite et du centre qui vient de se terminer se déroula selon un scénario tout à fait différent, du moins en apparence. Les différents candidats rivalisèrent non pas en promesses mais en annonces de mesures qui, si elles étaient mises en œuvre, se traduiraient par des efforts supplémentaires pour les Français. Et c’est François Fillon, le candidat qui alla le plus loin dans cette direction, qui l’emporta.

  Il est intéressant à cet égard de passer en revue quelques mesures phares de son programme économique et social.

 

Retarder l’âge de la retraite.

 

  Ce n’est certes pas la première fois que les dirigeants politiques prennent des mesures visant à retarder l’âge de départ à la retraite. Mais jusqu’à maintenant ils s’étaient bien gardés d’annoncer la couleur au moment des élections. On se souvient de la tentative d’Alain Juppé en décembre 1995 d’aligner la durée d’activité du régime des fonctionnaires et des régimes spéciaux sur celle du privé (40 années). 8 mois plus tôt cependant,  Jacques Chirac, emporté par le lyrisme de sa campagne menée sur le thème de la fracture sociale, n’avait pas évoqué ce projet. De façon plus récente, lorsqu’en 2010, Nicolas Sarkozy (et François Fillon) avaient retardé l’âge légal de la retraite à 62 ans, ils avaient agi en contradiction avec l’engagement de campagne de Nicolas Sarkozy de 2007 de le laisser à 60 ans.

  Cette fois-ci la démarche est différente. François Fillon va repousser l’âge de la retraite à 65 ans à partir de 2022 s’il est élu. Et il l’annonce avant les élections.

 

Supprimer les 35 heures.

 

  Il en va de même pour la suppression des 35 heures. Cela fait certes longtemps que les dirigeants politiques de la droite et du centre expriment leur désaccord avec la loi sur les 35 heures. Mais, pour l’instant, ils s’étaient bien gardés de l’abroger. En 2007, dans un souci de rendre électoralo-compatible le thème de l’allongement de la durée du travail, Nicolas Sarkozy avait inventé le slogan « travailler plus pour gagner plus » et avait défiscalisé les heures supplémentaires.

François Fillon ne s’embarrasse pas de telles précautions. S’il est élu, il faudra travailler plus sans gagner plus. Dans la fonction publique, une réduction des effectifs de 500 000 personnes en 5 années sera compensée par un passage de la durée du travail de 35 à 39 heures. Une éventuelle hausse de salaires dépendra de l’issue de négociations. Mais si les salaires augmentaient proportionnellement au temps de travail, cela contrarierait la réduction de la dépense publique (moins 110 milliards d’euros), qui est l’objectif de cette opération. Dans le privé, la durée légale du travail sera remplacée par la liberté de négociation dans les entreprises de la durée effective du travail (dans la limite d’un plafond de 48 heures par semaine). Etant donné le rapport de force sur le marché du travail et le poids de la concurrence internationale, il n’est pas difficile de savoir la direction que prendra le curseur en termes de durée du travail et de rémunération.

 

La baisse des impôts

 

  Depuis les années 1980, la baisse des impôts constitue la marque de fabrique des dirigeants politiques de la droite libérale. Et sans qu’il soit toujours possible de distinguer ce qui relève d’une véritable conviction et ce qui correspond à un calcul électoral, c’est évidemment l’impôt sur le revenu (l’impôt le plus impopulaire) qui était abaissé en priorité. Des dirigeants politiques aussi divers que Ronald Reagan (années 80), George Bush fils (années 2000), Donald Trump (promesse de campagne de 2016) Jacques Chirac (en 1987 et à nouveau en 2002), Margaret Thatcher (années 1980), Nicolas Sarkozy (en 2007 et dans son programme de la primaire de 2016) mais également certains socialistes (Lionel Jospin et Laurent Fabius en 2000) s’étaient adonnés aux délices de ce type de mesures.

  Il n’y a rien de tel dans le programme de François Fillon.  Il ne prévoit pas de baisse généralisée de l’impôt sur le revenu, mais des retouches à la marge (hausse du plafond du quotient familial et diminution de l’imposition des revenus du capital). Les baisses d’impôts qu’il annonce bénéficieront aux entreprises (baisse de l’IS et des cotisations sociales) et aux détenteurs de patrimoine (suppression de l’ISF). Il avance certes des arguments pour justifier de telles baisses (compétitivité, investissement, lutte contre les expatriations…). Mais l’annonce de mesures de ce type ne permet pas de mobiliser les foules en période électorale, d’autant moins que ces baisses d’impôts seront financées par une hausse de deux points de la TVA, qui pèse sur le pouvoir d’achat de tout le monde. Et là également, à l’inverse de la hausse de la TVA de juillet 1995 mise en œuvre par Alain Juppé mais qui n’avait pas été annoncée lors de la présidentielle du printemps précédent, François Fillon annonce la couleur.

 

  Comment est-il possible que ce programme ait permis à celui qui le revendique de gagner la primaire de la droite et du centre ? Et par ailleurs, est-il possible de gagner la présidentielle avec un tel programme. Trois types de réponses sont possibles.

 

La force électorale du langage de la vérité

 

  Les Français seraient tout à fait prêts à accepter les efforts si ceux-ci leur sont demandés dans le cadre d’un langage de vérité. Les partisans de cette explication se réfèrent aux pays où des gouvernements ayant pratiqué des politiques d’austérité ont été confirmés par les électeurs aux élections suivantes. Pour réussir, les politiques d’austérité devraient d’une part être acceptées par la population (d’où la nécessité de ne pas mentir aux électeurs au moment des élections) et d’autre part être mises en œuvre sous la forme d’un traitement de cheval. Dans ce cas, leurs effets en termes de redressement se feraient sentir avant les élections suivantes. L’exemple le plus souvent cité à cet égard est celui de l’Estonie où le premier ministre Andrus Ansip a gagné les élections législatives de 2011 deux années après avoir engagé un plan d’austérité radical au lendemain de la crise des subprimes.

 

Le profil des sympathisants de la droite et du centre

 

  Au premier tour de la primaire de la droite et du centre, les électeurs (près de 4,3 millions de personnes) représentaient à peu près 10 % des personnes inscrites sur les listes électorales. Ils ne sont pas représentatifs de l’électorat français dans son ensemble, ni en termes de caractéristiques économiques et sociales, ni en termes de préférence partisane, ni en termes de pratique confessionnelle. Le programme de François Fillon aurait séduit la partie centrale de l’électorat de la droite, constitué en majorité de professions libérales, d’indépendants, d’entrepreneurs, de salariés aisés et de catholiques pratiquants. Pour cet électorat, le programme de François Fillon serait bel et bien constitué de promesses (suppression de l’ISF, baisse de l’imposition sur les revenus du capital, relèvement du quotient familial etc…) Mais cet électorat est insuffisamment nombreux pour gagner la présidentielle, si les autres candidats (FN, gauche) parviennent à mobiliser d’autres catégories sociales (ouvriers, employés, fonctionnaires) contre ce programme. Pour gagner la présidentielle, François Fillon serait obligé d’élargir sa base électorale et par conséquent d’infléchir son programme.

 

La droite tranquille

 

  Ce n’est pas tant son programme que son profil qui aurait permis à François Fillon de l’emporter. La plus grande partie de la campagne électorale de la primaire de la droite et du centre s’est faite dans un contexte de clivage principal entre les deux candidats qui étaient présentés jusqu’à la veille du premier tour comme les favoris supposés, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Ce sont eux qui ont été les candidats les plus observés mais également les plus critiqués. Tant que les sondages lui étaient défavorables, François Fillon était relativement à l’abri des critiques. Face à Nicolas Sarkozy, trop agité et trop clivant ou à Alain Juppé, trop centriste, selon leurs adversaires respectifs, François Fillon présentait l’avantage d’incarner « la droite tranquille ». C’est ce profil qui lui aurait permis d’écraser ses concurrents au premier tour et de confirmer l’essai au second tour.

 

 

  Quoi qu’il en soit, pour la présidentielle de 2017, rien n’est joué. Et la campagne électorale qui s’annonce promet d’être passionnante.

 

 

Le 27 novembre 2016.

                                                                                    Bernard Schwengler

                                                                                    OVIPAL

 

 

 

 



27/11/2016
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