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Où va le parti socialiste ?

La primaire de la gauche a laissé le parti socialiste plus divisé que jamais, écartelé entre les deux prétendants au second tour, Benoit Hamon et Manuel Valls, représentants de ces deux gauches que tout oppose et qui semblent « irréconciliables ». Et avec la victoire de Benoit Hamon, le parti socialiste semble entrer dans un nouveau cycle de son histoire.

 

La disparition de l’ossature centrale du parti socialiste

 

            Certes, le parti socialiste, du fait qu’il est un parti de gouvernement, qui pour autant n’a pas entièrement renoncé à son ADN d’origine de parti de la transformation sociale, a toujours été traversé par de nombreuses contradictions - contradictions entre ses différents courants - contradictions entre les positions qu’il défend quand il est dans l’opposition et les positions qui sont les siennes quand il gouverne. Jusqu’à maintenant cependant, il était toujours parvenu à gérer ses contradictions et à maintenir son unité, du moins si l’on s’abstient de remonter au-delà des années 1960. Il a certes connu quelques scissions, la scission provoquée par Emile Muller en 1970, en désaccord avec l’alliance avec les communistes, qui créa le parti démocratie socialiste (le PDS) et se présenta à la présidentielle de 1974 – la démission de Jean-Pierre Chevènement en 1992, en désaccord avec le traité de Maastricht, et qui créa le Mouvement des citoyens – et le départ de Jean-Luc Mélenchon en 2008, qui créa le Parti de gauche. Mais ces scissions se produisirent à la périphérie du parti socialiste et n’atteignirent pas son cœur.

            Ces contradictions non seulement ne le menaçaient pas mais elles faisaient sa force (et son charme) en lui permettant de ratisser large. Il pouvait à la fois être tiers-mondiste et atlantiste, chanter l’Internationale et développer la place financière de Paris, accueillir des militants trotzkistes de l’OCI (Organisation communiste internationale) et mettre fin à l’indexation des salaires sur les prix, s’attirer la sympathie de milieux anti-nucléraire et couler le Rainbow Warrior.

            Ces contradictions ne mettaient pas en danger son unité car il disposait d’une ossature centrale solide autour de ses dirigeants, François Mitterrand puis Lionel Jospin, qui étaient à la fois suffisamment charismatiques et suffisamment fermes pour éviter que ces forces centrifuges n’aboutissent à son éclatement, et qui étaient secondés par les fameux « éléphants », en rivalité entre eux, mais peu différents d’un point de vue idéologique, et dont le poids politique avait pour effet de stabiliser le parti vers son barycentre.

            Avec François Hollande, l’ossature centrale du parti socialiste a fondu. Le charisme, la fermeté ainsi que les éléphants ont disparu. Le parti est devenu le théâtre des opérations des forces centrifuges, avec d’une part les « frondeurs », nouvel avatar de la fameuse aile gauche, qui a toujours existé (le CERES des années 1970 de Jean-Pierre Chevènement ou le Nouveau Parti Socialiste des années 2000 avec Arnaud de Montebourg et Vincent Peillon) mais qui à l’époque des éléphants ne dépassait pas 20 % des mandats et d’autre part Manuel Valls, dont le logiciel idéologique relève davantage de Clémenceau que de Jaurès ou de Blum.

            Vincent Peillon avait bien essayé, lors de la primaire de la gauche, de ressusciter le courant central en improvisant une candidature et un programme de dernière minute. Mais outre le fait qu’il s’y prenait trop tard, il était évidemment beaucoup trop léger pour pouvoir compenser à lui tout seul l’absence d’un leader charismatique et d’une demi-douzaine d’éléphants.

 

Le début d’un nouveau cycle

            Avec la victoire de Benoit Hamon et de son ancrage à gauche, le parti renoue avec ses mouvements cycliques de longue période. On se souvient du cycle d’Epinay. On se souvient moins du cycle précédent, qui avait commencé en 1946 avec l’élection à la tête de la SFIO de Guy Mollet, sur un programme à orientation marxiste (appropriation collective des principaux moyens de production, bien au-delà des nationalisations qui avaient été effectuées en 1945-46) contre le secrétaire général sortant, Daniel Mayer, qui était soutenu par Léon Blum et représentait l’aile réformiste. Ce cycle, qui se caractérisa entre autres par l’exercice du pouvoir en 1956-57, avec des hauts (la généralisation de la 3° semaine de congés payés, le minimum vieillesse) et des bas (la torture en Algérie) se termina en 1969 avec la candidature de Gaston Defferre à la présidence de la république (5% des voix).

Le grand art des socialistes d’Epinay fut de faire croire que les fondements du nouveau parti socialiste étaient à l’antithèse de la SFIO de Guy Mollet alors qu’au bout du compte le balancier fonctionna de la même façon, avec dans un premier temps une conquête du parti par le flanc gauche (François Mitterrand - ancien ministre de la IV° République, qui avait su retrouver une virginité politique en pratiquant un antigaullisme intégral - élu à Epinay grâce au CERES sur un programme de rupture avec le capitalisme et d’alliance avec les communistes, censée ancrer le parti socialiste à gauche - et par la suite un exercice du pouvoir qui n’eut que peu de rapport avec ce qui avait été annoncé avant 1981 (que ce soit dans le programme commun de 1972 ou dans le projet socialiste de 1980).

            Il est probable que l’orientation à gauche derrière Benoit Hamon annonce un nouveau cycle avec une première phase qui serait une période de « Corbynisation » du parti (orientation à gauche et cure d’opposition) dans un contexte de reconfiguration de la gauche dans son ensemble, dans laquelle il n’est pas certain du tout que le parti socialiste restera le pôle dominant. Que l’on se souvienne de la SFIO finissante de la fin des années 1960, qui non seulement n’avait cessé de s’affaiblir par rapport au parti communiste mais qui de plus n’occupait pas l’ensemble de l’espace politique correspondant à la gauche non communiste. Et il avait fallu qu’elle disparaisse en 1969 pour que puisse naitre le parti socialiste d’Epinay. A cet égard, le score de Benoit Hamon au premier tour de la présidentielle de 2017 sera décisif pour l’avenir du parti socialiste.

 

Bernard Schwengler

OVIPAL                                                                              

Le 30 janvier 2017



30/01/2017
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