. . . . OVIPAL - OBSERVATOIRE DE LA VIE POLITIQUE EN ALSACE . . . .

Pour tenter de comprendre la crise ouverte par le mouvement des Gilets jaunes sur le plan politique, il est nécessaire, comme toujours, de prendre un peu de recul. Pour comprendre sur le fond ce qui fait la dynamique politique du moment présent, on peut faire hypothèse qu’il y a un grande absence, un vide, une sorte de trou noir puissant et attractif, pour prendre une analogie astrophysique, autour duquel toute la dynamique politique du moment semble tournée : le manque d’un véritable leader populiste, au sens le plus neutre que l’on peut donner à ce terme.

Même s’ils pourront voter pour les candidats du Rassemblement National ou de la France insoumise, les couches populaires qui se sont mises en mouvement, en retrouvant confiance en elles, et en conquérant, comme nous l’avions dit tout au début une forme de dignité, ne semblent pas tout à fait à l’aise avec ces partis, qui, à leurs yeux restent classiques et proches du système.

D’autres pays européens ont trouvé, sous des formes diverses, des personnalités populistes qui ont non seulement comblé un vide, mais qui ont provoqué le renouvellement -quand ils ne les ont pas liquidé quasi totalement, comme en Italie - des autres partis politiques. Cela a été la condition d’une interrogation de fond sur la crise du sens qui a traversé ces pays, comme elle traverse aujourd’hui la France.

La France se caractérise par une totale absence, pour l’instant, d’une personnalité qui donnerait une représentation à ceux qui n’en veulent pas. Ce serait, à mes yeux, la seule possibilité d’empêcher la crise actuelle de s’enrouler dans la spirale de la violence, même si le prix en terme de choix politiques risque d’être assez lourd.

Une observation fine du mouvement des Gilets jaunes montre qu’il fonctionne comme une sorte de machine à sélectionner, à produire, à faire germer des leaders potentiellement populistes. Certains hommes politiques ont tenté de se mettre en lice dans cette course. On pense en particulier à Monsieur Dupont-Aignan, qui déploie des efforts désespérés pour incarner un leadership populiste mais qui a échoué dès la première minute du fait de l’affirmation de son rattachement à la droite, position qui repousse loin de lui la majorité de ceux qu’il essaye d’attirer. On peut penser également à Monsieur Mélenchon, mais celui-ci est trop classé à gauche et probablement trop marqué par le passé de son entreprise. Madame Marine Le Pen, même si elle joue bien la partie actuelle, peine également, du fait de son marquage à la culotte historique, à incarner un leaderschip populiste.

La caractéristique de tous les dirigeants populistes qui ont émergé ces derniers temps est leur absolue nouveauté dans le paysage. Il faut, pour prétendre tenir cette position une virginité qui permet à chacun de se projeter en lui et de le voir comme un homme providentiel.

En formulant cette hypothèse je veux tout de suite dire que je ne l’appelle évidemment pas de mes vœux. Mais que je pense réellement que l’état de délitement, de dégradation politique de nos institutions et de notre vie politique conduit à un blocage qui est le ferment de violences civiles qui pourraient rapidement devenir incontrôlables. La radicalité qui s’annonce est le fait des deux bords et le Président de la République, du fait d’un isolement croissant, n’est pas le moins radical.

Sa volonté de fer de passer en force pour imposer des réformes marquées au sceau du fondamentalisme néo-libéral ne fait aucun doute. C’est pourquoi l’hypothèse plus intéressante pour comprendre l’avenir immédiat est celle qui consiste à voir que tout tourne autour de cette absence de leader populiste, source principale du blocage du pays et de la violence que cette situation engendrera à terme. A moins d’un miracle, toujours possible…

Philippe Breton

ovipal

11 janvier 2019