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Le « jeunisme » en politique, renouvellement des cadres ou effet d’affichage ?

 

Alors que la moyenne d’âge de la population française n’a jamais été aussi élevée, la vie politique quant à elle se caractérise par la percée de dirigeants politiques de plus en plus jeunes. Dans un contexte de fort rejet de la classe politique en général, ces hommes politiques jeunes sont considérés comme différents des autres : ils n’auraient pas encore eu le temps d’être contaminés par les défauts qui caractérisaient la classe politique dans son ensemble. En fait ces poussées de « jeunisme » correspondent à deux phénomènes distincts.

 

L’élection d’Emmanuel Macron en 2017 correspondait à un effondrement du système partisan qui avait structuré la vie politique française pendant une quarantaine d’années, autour des pôles constitués autour du PS à gauche et du RPR-UMP-LR à droite.

 

Avec l’effondrement de ce système partisan sont apparus de façon concomitante un nouveau parti politique dominant (LRM) et une nouvelle génération de dirigeants : Emmanuel Macron (40 ans), Edouard Philippe (47 ans), Bruno Le Maire (48 ans), Gérard Darmanin (35 ans), Marlène Schiappa (35 ans)... Et bien que la plupart des membres de cette nouvelle génération avait déjà eu des activités politiques avant 2017, ils n’avaient pas été au premier plan (1).

 

Les poussées de « jeunisme » qui se produisent depuis 2019 en revanche correspondent à un effet d’affichage. A la différence du renouvellement de 2017, où ce sont des jeunes qui ont pris la place des anciens, avec l’effet d’affichage, ce sont des jeunes qui sont promus par des anciens, qui entendent conserver leur leadership.

 

En « affichant » un jeune, les anciens espèrent obtenir un bénéfice politique pour la formation qu’ils dirigent et par conséquent également pour eux-mêmes. La promotion rapide de Jordan Bardella au RN correspond à ce cas de figure. Il a été propulsé tête de liste RN aux européennes en 2019 (à 24 ans) président du RN en 2022 (à 27 ans) et il sera à nouveau tête de liste RN aux européennes en 2024.

 

Il a été nommé, respectivement élu, à ces postes par la volonté de Marine Le Pen (56 ans) qui conserve la direction effective du parti. C’est elle qui est la candidate du RN à chaque élection présidentielle depuis 2012 et elle se prépare à une nouvelle candidature pour 2027. Il en va de même à LFI avec Manon Aubry. Elle fut tête de Liste LFI aux européennes en 2019 (à 30 ans) et le sera à nouveau en 2024. Mais à LFI, le véritable « chef », c’est Jean-Luc Mélenchon (73 ans), qui se présente à chaque élection présidentielle depuis 2012, et qui ne semble pas vouloir céder sa place, du moins par pour l’instant.

 

C’est également le cas avec François Xavier Bellamy, qui avait été tête de liste LR aux européennes de 2019 (à 34 ans), qui le sera à nouveau en 2024, mais qui par ailleurs ne fait pas partie des prétendants au leadership au sein de LR tels Eric Ciotti, Laurent Wauquiez ou Xavier Bertrand.

 

C’est pour les élections européennes que cet effet d’affichage est le plus utilisé : ce sont les élections les moins intéressantes dans la perspective d’une carrière politique nationale, et par conséquent les élections pour lesquelles les hommes politiques qui aspirent au sommet de l’Etat sont le plus disposés à laisser la première place à des « jeunes », alors qu’eux-mêmes visent la présidentielle.

 

La nomination de Gabriel Attal au poste de premier ministre (à 35 ans) correspond également à un effet d’affichage. Mais il s’agit d’un effet d’affichage à double détente. En plus de l’impression de renouvellement et de fraicheur insufflé à un gouvernement dirigé par ce jeune premier ministre, cette nomination présente l’avantage pour Emmanuel Macron, soucieux de ne pas faciliter la tâche aux prétendants à sa succession pour 2027, tels Edouard Philippe (54 ans), Bruno Le Maire (55 ans) ou Gérard Darmanin (42 ans) , de leur donner un coup de vieux, alors qu’il n’y a pas si longtemps, ils avaient une image de jeune.

 

Cet effet d’affichage à double détente rappelle la nomination de Laurent Fabius au poste de premier ministre en 1984 (à 38 ans). Par cette nomination, François Mitterrand (68 ans), qui préparait sa réélection pour 1988, donnait un «coup de vieux » à des concurrents potentiels dans le parti socialiste, et notamment à Michel Rocard (54 ans), qui avait sur lui le soi-disant avantage de la jeunesse.

 

L’histoire montre cependant que la cohabitation entre un leader politique d’âge mûr et un adjoint plus jeune que lui n’est pas toujours facile et peut se terminer par l’exclusion de celui-ci. C’est ce qui se produit lorsque celui-ci, à force de gagner en importance, est accusé, finit par être ressenti comme une menace par le premier.

 

Cela était arrivé à Bruno Maigret au FN en 1998 sous la présidence de Jean-Marie Le Pen et de façon plus récente à Florian Philippot, également au FN. Elu vice-président du FN en 2012 (à 31 ans), sous la présidence de Marine Le Pen, il en avait été exclu 6 ans plus tard par cette même Marine Le Pen.

L’avenir nous dira si Jordan Bardella réussira à éviter le sort qu’avait connu ces ex-numéros 2 de la formation frontiste.

 

Bernard Schwengler

OVIPAL

3 mars 2024

 

(1) Emmanuel Macron avait certes été ministre sous François Hollande, mais seulement pendant deux années.

 

 



03/03/2024
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