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Rendez-nous le marché de Noël !

Je ne suis le porte-parole de personne, mais force est de constater qu'autour de moi, de nombreux strasbourgeois expriment, d'année en année, une très grande lassitude, pour ne pas dire plus, envers ce qu'est devenu le marché de Noël. Leur ressenti, que je partage, est d'une extrême simplicité : les strasbourgeois ont été exfiltrés de ce qui était le lieu d'une tradition multicentenaire, ce lieu où l'on venait, en plein hiver neigeux, acheter les accessoires de décoration du sapin.

 

Ils n'en étaient pas les seuls clients, puisque ce marché, de tout temps, était fréquenté par des personnes qui venaient de loin. L'étranger à Strasbourg était l'invité bien venu des strasbourgeois. L'extension du marché, sa transformation en vitrine de Strasbourg, sa mercantilisation pour tout dire, a fait dans un premier temps, sous l'abondance des visiteurs alléchés par la publicité triomphante, du Strasbourgeois, l'invité du lieu, là où le désormais touriste devait se sentir chez lui. Il est, d'ailleurs, puisque de très nombreux logements de l'hypercentre ont été reconvertis en locations temporaires, au détriment des habitants, ainsi relégués à l'extérieur de la ville.

 

C'est à ce point précis qu'a commencé le grand remplacement, si l'on peut dire, de décembre, où la population locale se terre, ne sort plus qu'aux petites heures du matin pour faire ses courses. Décembre est attendu avec crainte par les locaux, qui se sauront submergés, physiquement parlant, par une population certes sympathique et festive, mais qui déferle sans grand souci du local. Local d'ailleurs bien absent des allées commerçantes, partagées entre bimbeloterie chinoise, et cadeaux, certes artisanaux, mais sans rapport avec l'esprit de Noël. Sans compter la nourriture grasse et douteuse dont le rapport avec la gastronomie du terroir est bien lointain.

 

Il n'est que jusqu'aux mesures de sécurité, prétendument draconiennes, comme on l'a dramatiquement vu l'an dernier, qui excluent les Strasbourgeois. Jusqu'à onze heure du matin, seuls moments où les habitants peuvent sortir sans risquer la bousculade, aucun policier, aucun agent de sécurité, aucune barrière... Bienvenue aux terroristes de tout poil ! La sécurité semble réservée aux touristes, qui semblent d'ailleurs ravis de ce déploiement de muscles et d'armements divers. Même si, au passage, on voit quelques sourires interrogateurs quand, après avoir été fouillé pratiquement au corps, le même touriste voit passer, sans aucun contrôle, à longueur de journée, des vélos cargos remplis de caisses bien scellées...

 

Mais au fait, dira-t-on, pourquoi le marché de Noël a-t-il connu une telle dérive ? Pourquoi ? Retombées économiques dont les strasbourgeois bénéficieraient, en quelque sorte par ruissellement, et qui vaudrait bien d'y sacrifier le mois de décembre ? Jamais aucune étude n'a prouvé le moindre bénéfice financier, pour l'ensemble de la population, de cette gabegie de fin d'année. Si cela était, la com' n'aurait pas manqué de le claironner. Pourtant, il y a un réel acharnement à ce que la machine tourne, coûte que coûte. On se souvient, avec un sentiment de honte, moins de 48 heures après l'attentat tragique de décembre 2018, de l'insistance immorale mise par nos édiles, à exiger que la traque du terroriste islamiste aboutissent vite, afin que l'on puisse rouvrir les stands. On a, ce jour-là, fait passer le deuil derrière le commerce.

 

Il y a peut-être une autre raison à cette insistance, jusqu'à la morbidité, à ce que l'envahissement touristique sature la ville jusqu'à la nausée. La génération des édiles qui nous gouvernent localement, à peu près tous enfants de malgré-nous, est encore fortement marquée par l'image négative de la région, associée aux yeux des français, depuis le tragique moment du procès de Bordeaux, à une supposée complicité avec l’infamie nazie. Quoi de mieux que de construire de toute pièce, grâce à la « magie de Noël », l'image d'une ville éprise d' « amour et de paix », où toutes les religions cohabitent dans le « respect de l'Autre » ? Un contre feu, en quelque sorte, à la vision traditionnellement si négative qu'ont les « français de l'intérieur ». Une rencontre bienfaisante de la com' et de la profondeur historique, au service de l'effacement du passé.

 

Las, ça n'a pas marché. L'attentat islamiste a montré qu'en matière de paix et d'amour, il nous manque un partenaire essentiel. Et les réactions de la presse nationale, au moment des profanations de cimetières juifs, qui y a vu une nouvelle preuve que décidément l'Alsace, globalement, serait toujours politique suspecte, montrent qu'en termes d'image, la bataille est toujours perdue, malgré le sympathique « Marché de Noël ». Au fond tout cela est cohérent, le marché de Noël ayant perdu tout caractère véritablement alsacien, dans une ville où les strasbourgeois deviennent, le temps de décembre, clandestins dans leur propre cité.

 

 

Philippe Breton

ovipal

15 décembre 2019

 



15/12/2019
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