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Retour sur le fameux « hasard statistique »

Le titre que les DNA ont donné à l’interview que j’ai donné peu après le deuxième tour des élections municipales «  L’élection de Roland Ries : un hasard statistique » a suscité, ici et là, quelques interrogations bien légitimes. Je voudrais donc revenir sur quelques aspects de cette question.

 

Et d’abord faire deux remarques de principe.

 

La première est que le choix des titres des articles relève exclusivement de la rédaction. Ils sont dictés par une ligne éditoriale sur laquelle les personnes interviewées n’ont, et c’est normal, aucune prise. La responsabilité d’avoir sélectionné un propos parmi d’autres, pour en faire un titre, dont la dimension du coup polémique n’échappe à personne, relève donc des DNA. Je remarque simplement que je n’utilise pas cette notion de hasard « statistique » dans la note de synthèse qui sert d’appui à l’interview et qui est publiée sur le site de l’ovipal.

 

A titre de comparaison, le même interview, donné à l’Alsace et publié le 6 avril fait l’objet d’un traitement plus neutre, mettant en avant les résultats scientifiques de notre étude, sans esprit de polémique.

 

La deuxième remarque est que les universitaires, politologues ou autres, travaillent de façon indépendante. Ils s’en tiennent aux faits, qu’ils plaisent ou qu’ils déplaisent. Les chercheurs de l’ovipal s’en tiennent à cette règle simple.

 

Dire, comme je l’ai fait, qu’il y a une part de hasard dans une élection gagnée avec un écart si faible, comme c’est le cas des municipales 2014 à Strasbourg, est un constat simple, qui vaut pour n’importe quelle élection et pour n’importe quel candidat. Il s’apprécie au regard des études de politologie qui sont consacrées à ce thème et auxquelles je renvoie ceux qui seraient tentés par des critiques ou des commentaires à l’emporte pièce.

 

Les déterminants du choix des électeurs sont très variables et le degré de certitude de leurs choix plus ou moins marqué (d’où l’impondérable des sondages). On sait par exemple qu’un nombre non négligeable d’électeurs (même s’il est difficile à déterminer avec précision) décident au dernier moment, souvent dans l’isoloir, pour quels candidats ils vont voter. C’est d’ailleurs en partie une spécificité française sur laquelle les politologues s’interrogent (1). Cette indécision jusqu’au seuil du vote fait l’objet de nombreux travaux comme par exemple la note du CSA, qui indique que 23 % des votants ne savent pas encore quoi voter lors des derniers jours précédant l’élection et jusque dans l’isoloir (2).

 

Le poids de ces électeurs qui hésitent jusqu’au dernier moment explique que lorsque l’écart est serré, le résultat aurait pu basculer très bien d’un côté comme de l’autre. C’est bien ce qui s’est passé à Strasbourg au deuxième tour des municipales, où il s’en ait fallu d’un cheveu que le résultat bascule dans un sens ou dans un autre (l’écart au deuxième tour était de 1 % du corps électoral, 0,5 % si on considère le demi-écart, soit bien moins que le nombre probable des « indécis dans l’isoloir »). Ce ne sont donc pas les électeurs les plus motivés et les plus fermement déterminés qui ont fait la différence… Le constat aurait été évidemment le même si Fabienne Keller avait été élu dans la même fourchette.

 

Que le vainqueur d’une élection à faible écart s’attribue tout le mérite du succès relève d’une rhétorique politique bien naturelle, mais la réalité électorale reste ce qu’elle est : une élection à faible écart est une élection où l’indétermination et le hasard ont leur place dans le résultat final. Et cela, tous les hommes et femmes politiques le savent parfaitement.

 

Cela dit, pas de quoi en faire un gros titre… car la légitimité politique du vainqueur reste entière au regard des règles de la démocratie majoritaire, ce que j’ai rappelé en commentant les résultats et les propos de Roland Ries sur le plateau de France 3, le 31 mars dans le journal du soir.

 

Plus problématique par contre est le poids que l’abstention fait peser sur le résultat des élections. On a pris l’habitude de ne retenir que les pourcentages, là où il vaudrait mieux raisonner en termes d’électeurs réels. C’est à ce stade que j’ai proposé de distinguer entre la légitimité politique et la légitimité électorale.

 

A titre d'exemple extrême, les élections universitaires ont longtemps nourri une réflexion pessimiste à propos de cette disjonction pourtant essentielle. Aux élections des conseils, les étudiants votent très peu et on a compté jusqu’à 90 % d’abstention ! Le vainqueur est élu et il est politiquement légitime. Pour le reste, sa représentativité électorale est à peu près nulle.

 

La chute régulière du taux de participation aux élections de toute nature pose un problème de fond qui n’échappe à personne. Jusqu’à quel seuil la participation devra-t-elle tomber pour qu’on s’interroge sur la légitimité d’un élu à représenter effectivement l’électorat ? La suite de cette question troublante aux élections européennes…

 

Philippe Breton

ovipal

 

 

(1) « À cet égard la France est différente : d’une part, nombre d’électeurs restent indécis plus longtemps, et beaucoup jusqu’au dernier moment, d’autre part la volatilité électorale est importante, et tout particulièrement celle qui implique des allégeances plurielles mêlant gauche et droite. La question de l’origine de cette importante volatilité des électeurs français et de leur indécision particulière n’est pas entièrement résolue. » page 14, in Comment les électeurs font-ils leur choix sous la direction de Bruno Cautrès et Anne Muxel, Les presses de Sc Po, Paris, 2009

 

(2) Note d’analyse du département opinion du CSA : L’heure du choix in  http://www.csa.eu/multimedia/data/sondages/data2012/opi20120419-note-d-analyse-l-heure-du-choix.pdf

 



08/04/2014
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