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Strasbourg : un carnaval sans racine ne peut pas voler bien haut

Rendons grâce d'abord à tous les jeunes, et moins jeunes, qui ont consacré du temps et de l’énergie à concevoir et fabriquer des chars ou des prestations artistiques. Ce n’est pas eux qui sont critiqués ici, ils n’en peuvent rien. Car leur investissement individuel n’a pas suffit à doter d’un souffle collectif cette édition 2018 du carnaval de Strasbourg.

 

L’esprit du carnaval était le grand absent d’un défilé purement décoratif, à l’allure « post-goudienne », du nom de l’inventeur du vide esthétique. Deux ingrédients principaux de cette tradition séculaire de la vallée du Rhin  manquaient à l’appel, d’une part un enracinement dans le local, les traditions, tout ce que l’on voudra, pourvu que cela résonne un peu avec l’identité d’une ville et d’une région et d’autre part, une capacité un peu transgressive, une libération de la parole et de la critique des élites.

 

L’absence de référence à une quelconque racine a transformé ce défilé en une manifestation qui aurait pu avoir lieu n’importe où en France ou même en Europe. Personne ne devinerait, en se repassant le film du défilé, qu’il se déroulait à Strasbourg, en Alsace. Certaines méchantes langues diront qu’il s’agissait peut-être d’un carnaval grand-estien, mais il n’y avait aucune référence non plus aux traditions culturelles pourtant variées de cette (trop) grande Région.

 

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Ce carnaval-brocante, avec ses cyclistes pédalant dans un vide rouillé, ne faisait en fait référence à rien. Les successions de tableaux, de cliques et de chars ne renvoyaient qu’à une esthétique sans fond et ne provoquaient qu’un vague plaisir éphémère, sans connexion avec un quelconque imaginaire.

 

La seule musique entendue était inévitablement brésilienne, passage aujourd’hui obligé d’une joie forcément multiculturelle. Avec, ouvrant le carnaval, deux petits enfants noirs, se demandant sans doute ce qu’ils faisaient là, et faisant se lever sur leur passage le soupçon qu’on les avait instrumentalisé dans une posture anti-discriminatoire qui produit pourtant immédiatement son contraire.

 

Donc un carnaval hors-sol, universaliste abstrait et vide de sens. Entre les cliques et les sorcières teutonnes, les coiffes alsaciennes, les gilets rouges de la oumpapa musique et ça, il y avait quand même une marge intéressante à explorer…

 

Quant au côté transgressif, moqueur, mettant « en boîte » les édiles, qui fait le cœur de la tradition carnavalesque, rien, le vide sidéral, une neutralité triste, une absence de tout point de vue.

 

N’y avait-il rien à moquer, par exemple du côté d’un Roland Ries, dompteur de la cage aux lions municipale, d’un Alain Fontanel rallié mais figé dans la posture absente de marcheurs désormais immobiles, d’une Fabienne Keller sur un fil tendu au dessus du vide entre l’immeuble des Républicains qu’elle quitte et celui des marcheurs qu’elle ne rejoint pas ? Il y avait matière, mais voilà, les concepteurs de chars étant subventionnés par ceux qu’ils auraient pu critiquer, on comprend qu’ils aient été prudents…

 

Bref, un coup pour rien, et les confettis, une fois de plus, ont été ramassés à peine lancés.

 

Philippe Breton

Ovipal

Mercredi 14 mars 2018



14/03/2018
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