Brève histoire de l’autonomisme alsacien
De 1871 à 1914
1871
L’Alsace (avec la Moselle), rattachée à l’Allemagne, est administrée directement par Berlin, avec un statut de pays d’empire (Reichsland).
1874
Aux élections législatives au Reichstag, les candidats protestataires l’emportent dans la totalité des 11 circonscriptions. 8 députés sont membres du parti catholique, dont l’évêque de Strasbourg et 5 prêtres. Le mouvement protestataire est dirigé contre l’annexion à l’Allemagne et contre le Kulturkampf de Bismarck
1877
Apparition d’un autonomisme laïc qui accepte le cadre allemand mais demande un statut d’autonomie comparable à celui des autres Länder allemands (statut de Land et non plus de Reichsland). Aux législatives, les candidats autonomistes obtiennent 3 élus contre 8 aux protestataires.
1879
Nouveau statut administratif. L’Alsace-Lorraine reste « Reichsland ». Elle est administrée par un représentant de l’empereur (le statthalter), assisté d’une assemblée consultative, élue par les conseillers généraux.
Le mouvement protestataire reste prédominant pendant l’ensemble des années 1880.
Années 1890
Intégration de la vie politique alsacienne à la vie politique allemande autour des trois courants suivants (social-démocrate, catholique et libéral). La question nationale fait l’objet de divergences internes aux différents partis (« partisan de l’autonomie dans le cadre de l’Allemagne » versus « courant francophile »)
1911
Constitution avec un statut de semi-autonomie. Institution d’une assemblée législative régionale (Landtag) élue au suffrage universel, compétente en matière de droit régional. Mais le statut de « Reichsland » est maintenu et le Statthalter a un droit de veto sur les lois régionales.
De 1919 à 1945
1919
Création d’un commissariat général d’Alsace-Lorraine, supprimé en 1924.
Institution des départements.
Aux élections législatives à l’assemblée nationale, l’Union populaire et républicaine d’Alsace (UPRA : le parti catholique) et le parti républicain-démocratique constituent des listes communes sous l’égide « bloc national » et emportent la totalité des 16 sièges.
1924
Déclaration d’Edouard Herriot annonçant l’extension de l’ensemble de la législation nationale à l’Alsace-Lorraine (ce qui aurait signifié notamment la fin du régime concordataire). Très forte mobilisation contre ce projet qui est abandonné l’année suivante.
1925
Création de l’hebdomadaire « die Zukunft » avec comme thème central « la défense des droits de la patrie alsacienne-lorraine », avec Eugen Ricklin, ancien président du Landtag de 1911 à 1914.
1926
Manifeste du Heimatbund demandant un statut de « minorité nationale » et « l’autonomie complète dans le cadre de la France »
Création de la Fortschrittspartei, parti autonomiste laïc et libéral, sous la direction de Georges Wolff et Camille Dahlet, à partir d’une scission dans la fédération bas-rhinoise du parti radical socialiste.
1927
Création de la Landespartei (parti du pays) à partir du manifeste du Heimatbund, avec Karl Roos comme président.
1928
Procès de Colmar contre les leaders autonomistes
Aux législatives de 1928, mise en place d’une « Volksfront » entre les autonomistes, les communistes et certains membres du parti catholique UPRA, sous la forme d’alliances électorales pour le second tour.
Sur 16 sièges à pourvoir, élections de :
- un autonomiste indépendant (Ricklin)
- un autonomiste laïc (Dahlet)
- un communiste PCF (Mourer)
L’UPRA (catholique) a dix élus (dont Rossé, autonomiste, et 6 élus à orientation régionaliste)
Scission dans l’UPRA et création de l’APNA (action populaire et nationale). L’APNA reproche à l’UPRA son orientation régionaliste-autonomiste
1929
Election de Charles Hueber (PCF) comme maire de Strasbourg avec le soutien des autonomistes et de l’UPRA.
Tout en prônant le principe de «l’autodétermination de l’Alsace » le PCF condamne l’alliance de ses membres bas-rhinois avec des partis autonomistes et catholiques.
Scission dans la fédération communiste bas-rhinoise et création du parti communiste d’opposition, dirigé par Hueber et Mourer.
Années 1930
Dislocation de la « Volksfront » suite aux divergences parmi les autonomistes sur la position par rapport à l’Allemagne (et par la suite par rapport au nazisme). La Landespartei et les communistes d’opposition à partir de 1934 manifestent de plus en plus nettement des sympathies pro-nazis.
Rapprochement entre les deux partis catholiques : UPRA et APNA
Front populaire entre les partis de gauche malgré les divergences entre le PCF d’une part et la SFIO et les radicaux socialistes d’autre part sur la question nationale.
1936
Aux élections de 1936, sur 16 sièges à pourvoir, élection d’un autonomiste laïc (Dahlet), deux communistes opposition (Hueber et Mourer), 12 UPRA (dont deux autonomistes : Rossé et Sturmel), un PCF (Daul), un APNA, un indépendant et un républicain-démocrate.
1939-1940
Arrestation de Karl Roos, président de la Landespartei (février 1939) sous l’acte d’accusation d’espionnage. Condamnation à mort par le tribunal militaire de Nancy. Il est fusillé en février 1940.
Arrestation de 15 dirigeants autonomistes, en septembre 1939, après la déclaration de guerre, dont les députés Rossé, Sturmel et Mourer. Ils sont incarcérés à la prison de Nancy (d’où l’expression « les nancéens »).
Les « nancéens » sont libérés après l’armistice par un commando allemand. De retour en Alsace, ils signent « le Manifeste des trois épis » par lequel ils demandent le rattachement de l’Alsace à l’Allemagne
1940-1944
L’Alsace est rattachée au pays de Bade dans le Reichsgau d’Oberrhein. Certains « nancéens » (parmi les non-cléricaux) deviennent Kreisleiter : Bickler, Hauss, Mourer. Rossé (clérical) dirige les Editions Alsatia.
La place Kléber devient place Karl Roos (érigé en martyre de l’Alsace allemande)
A partir de 1945 : fin de l’autonomisme politique
Arrestation de la plupart des ex-dirigeants autonomistes d’avant guerre (dont la totalité des « nancéens »). Ils sont condamnés en 1947 à des peines allant de la condamnation à mort à l’emprisonnement ou à l’indignité nationale.
Les anciens dirigeants de l’UPRA et le l’APNA fondent (en février 1945) le parti républicain populaire (parti alsacien à orientation chrétienne). Celui-ci rejoint en juin 1945 le MRP national (qui défend le statut concordataire de l’Alsace)
Camille Dahlet, non inquiété par la justice, essaie de relancer l’autonomisme politique. Il échoue en 1945 aux municipales à Strasbourg et aux cantonales à la Petite Pierre. Aux législatives de 1956, il figure sur une liste régionaliste dans le Bas-Rhin qui obtient 3,2% des voix.
Bernard Schwengler
OVIPAL
15/03/2015
Pour compléter cette fiche vous pouvez vous reporter au Reportage photo sur la manifestation autonomiste du 14 mars 2015 à Strasbourg
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