. . . . OVIPAL - OBSERVATOIRE DE LA VIE POLITIQUE EN ALSACE . . . .

Le 26 juillet dernier, l'ovipal publiait un article, sous ma plume, intitulé « 10 septembre prochain : retour des gilets jaunes ? ». A l'époque on parlait peu de ce mouvement émergent qui s'était fixé le 10 septembre comme date pour l'action. Depuis, les évènements se sont accélérés, dans un contexte marqué par le quasi suicide politique du premier ministre, François Bayrou.

Mais surtout, ce mouvement, sociologiquement singulier, d'expression des classes moyennes surtout d'origine rurale et péri urbaine, a été l'objet d'un arraisonnement politique par la France insoumise. On connaît le scénario apparent de cette manipulation de grande ampleur, Jean-Luc Mélenchon ayant pris l'offensive sous un double registre : nous-nous-mettons-au-service-de-ce-mouvement, d'une part, et appel, d'autre part, à la grève générale, quasi insurrectionnelle.

La tactique est éculée, et elle n'est invisible que par méconnaissance de l'histoire du mouvement révolutionnaire. C'est du pur léninisme, mâtiné de trotskisme. Résumons :

1 - un mouvement de colère populaire s'exprime, dans des termes absolument pas marxistes, il prend la forme d'une sorte de jacquerie anti hiérarchique et anti élite, vaguement anarchiste et souvent rurale, désignant les politiques comme les nouveaux seigneurs.

2 – le mouvement révolutionnaire urbain et cosmopolite, guidé par une avant-garde d'"acier" et un leader maximo, voit cela comme une concurrence « petite bourgeoise ».

3 – il fait semblant de soutenir la colère qui s'exprime sous des formes peu conventionnelles et de se mettre à son service, mais, en sous-main, il l'infiltre, y place ses militants aux endroits stratégiques.

4 – il influe sur les modes d'expression et d'action de cette colère et la rabat sur les modalités révolutionnaires habituelles, grèves, manifestations, insurrection. Cela a un nom dans le vocabulaire, surtout trotskiste, cela s'appelle l'entrisme.

Ce faisant, le mouvement révolutionnaire casse la colère qui s'exprimait avec ses moyens originaux, élimine une concurrence, et récupère au passage quelques militants de plus, qu'il a réussi à embrigader. Cela s'est répété nombre de fois dans l'histoire depuis la révolution de 1917. Cette stratégie permet à de petites minorités très structurées, de prendre le pouvoir... et de le garder.

Je viens là la fois de relire dans le texte les manuels marxistes de stratégie de prise de pouvoir (je renvoie les lecteurs en quête de sources à la lecture de l'ouvrage L'Etat et la révolution, de Lénine) et aussi de décrire les rêves qui peuplent les nuits de Jean-Luc Mélenchon.

Ce qui se passe depuis plusieurs jours est la parfaire illustration de cette mécanique politique à visée insurrectionnelle. Il suffit d'assister aux assemblées générales urbaines, où il n'est plus question que de « décolonialisme », de « lutte contre le fascisme », où les drapeaux palestiniens et les visuels du Hamas, commencent à fleurir, histoire d'appâter les musulmans des banlieues et de les inclure dans la boucle, au titre de « nouveau prolétariat ».

Le résultat est que de nombreux initiateurs de la colère du 10 septembre, appellent maintenant à ne pas y participer, pour cause de récupération. Ces derniers jours les messages en ce sens se multiplient sur les réseaux sociaux. La seule inconnue qui reste est la force de cet élan en milieu rural ou péri-urbain, là où d'ailleurs il est né. L'entrisme y est plus difficile car les jeunes révolutionnaires quittent peu les villes et dépassent rarement la banlieue.

Mais, à mon sens, s'il devait y avoir malgré tout un retour des gilets jaunes, il est difficile d'imaginer qu'ils puissent faire jonction avec une stratégie révolutionnaire qui leur est totalement étrangère, à tout point de vue.

Philippe Breton

ovipal

7 septembre 2025