. . . . OVIPAL - OBSERVATOIRE DE LA VIE POLITIQUE EN ALSACE . . . .

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Interview exclusive de Martine WONNER, Députée de la 4ème circonscription du Bas-Rhin

 

 

Interview exclusive de Martine WONNER, Députée de la 4ème circonscription du Bas-Rhin

 

« Il est d'autant plus important dans ces moments d'exception de protéger la démocratie et de la faire vivre pleinement ; ne jamais la confiner, encore moins la bâillonner »

 

 

Beaucoup de parlementaires exclu-e-s du groupe LaREM à l’Assemblée nationale envisagent de former un groupe parlementaire centré autour des valeurs dites « écologistes » ?

Quel avenir voyez-vous pour ce nouveau groupe et cette perspective politique à visée écologique ? Y voyez-vous une place pour votre engagement politique, sachant qu’en Alsace, vous restez plus que jamais hostile au projet de GCO … désormais bien avancé ?

 

Depuis trois ans, s’il y a bien un champ où les avancées tant espérées n’ont pas été au rendez-vous, est celui de l’Ecologie ; traités de libre échange, CETA, prorogation de l’utilisation du glyphosate, en passant par ce projet autoroutier d’un autre âge, le GCO, qui va balafrer définitivement l’ouest strasbourgeois, soit les terres les plus fertiles d’Europe.

 

Ce groupe « à-venir » est une perspective réfléchie et construite pour peser sur un exécutif à ce jour insuffisamment volontariste notamment dans ce domaine.

 

La santé environnementale doit devenir une des priorités du XXIème siècle ; le confinement de nombreux pays pour se préserver du Covid19 l’a démontré ; l’arrêt de l’économie mondiale a eu un impact direct environnemental: la diminution de la pollution de l’air a permis de sauver encore plus de vies humaines et ce de façon indirecte ; preuve évidente s’il fallait encore démontrer le lien entre Santé et pollution environnementale.

 

La prise en charge des maladies chroniques représente en France 60% des dépenses de santé ; une politique ambitieuse est plus que jamais attendue par les citoyennes et citoyens qui se sont exprimés au travers des 8700 contributions sur la Plateforme « Le Jour d’après ».

 

Désir collectif d’un monde différent plus juste, plus solidaire, plus démocratique- cela rejoint la première question- et plus respectueux de l’environnement ; l’attente est très forte, les valeurs et les réflexions de ce nouveau groupe politique pourraient croiser les miennes basées sur une réelle ambition de progressisme social et de transition écologique.

 

La tâche exigeante du travail parlementaire n’est que plus efficiente dans un collectif dont le projet est basé sur un projet et des valeurs communes initiales.

 

On a vu en trois ans les limites de la diversité, surtout quand le centre de gravité, sous l’impulsion de quelques ministres, se déplace dangereusement et toujours plus vers la droite.

 

 

La dernière crise politique autour du mouvement des « Gilets Jaunes » nous a montré que les institutions politiques étaient perçues comme conservatrices et avaient perdu leur légitimité.

Certaines catégories sociales en France -comme dans d’autres pays européens- expriment leur souhait pour le retour d’un Etat plus protecteur et plus national, pour un besoin d’égalité et des conditions sociales. Comment pensez-vous que la représentation politique -et plus particulièrement le Parlement- puisse faire une véritable place à ces exigences démocratiques de moins en moins entendues, mais toujours plus pressantes ? Comment souhaitez-vous agir dans cette perspective ?

 

Les derniers mouvements tels les « gilets jaunes » ou autres manifestations, des soignants aux avocats pendant l’examen du Projet de Loi retraite, nous obligent. Il est temps d’associer réellement les citoyens aux décisions collectives, leur redonner confiance dans la démocratie représentative. Cette promesse n’a jusqu’alors pas été tenue. L’urgence à réduire les inégalités sociales et territoriales ne doit pas continuer à être négligée.

 

La pandémie aurait pu mettre en lumière un Etat préoccupé par la protection des individus et efficace dans les moyens mis en œuvre pour ce faire, en toute transparence. La réalité a été tout autre : un état se complaisant dans une forme de toute puissance sécuritaire, infantilisant à chaque instant les citoyens, entretenant quotidiennement une peur stérile et avilissante ; sur le terrain par contre, des collectivités locales, départementales et régionales prouvant leur réactivité et leur efficacité au plus proche des besoins de la population et de leur nécessaire protection.

 

En région les organismes qui ont démontré, de façon très caricaturale, en cette période de crise sanitaire toutes leurs limites sont les ARS, engluées dans une pesanteur administrative, quasi immobiles face à l’urgence, incapables de la moindre initiative, attentives aux ordres d’une Direction générale de la santé mortifère, confondant le temps long de la recherche et de l’« Evidence based medicine » avec celui d’un véritable plan stratégique de soins, allant jusqu’à interdire aux médecins d’exercer pleinement leur art et les transformant en agent de police sanitaire.

 

D’état d’urgence en état d’urgence, ce sont toutes nos libertés qui sont atteintes depuis plusieurs mois !

La loi de décentralisation devient une urgence dans un pays meurtri qui ne peux plus rester confiné dans cette déconcentration outrancière, inopérante et privatrice de libertés.

 

Les deux prochaines années seront très intenses et je vais poursuivre mon mandat avec conviction :

 

- à l’Assemblée Nationale pour faire vivre la démocratie avec force, et peser en dehors du groupe majoritaire plus que jamais fragilisé.

 

- en circonscription où je continuerai comme je le fais depuis trois ans, à ancrer mon travail dans la réalité, aux côtés de citoyens engagés et fiers de leurs territoires ; la Collectivité Européenne Alsace a de belles heures devant elle !

 

 

Au sujet de votre « indépendance politique », il y a plus d’un an (en mars 2019 au « Club de la Presse de Strasbourg» ), j’avais comparé votre engagement à celui de votre collègue, le député Lucien Neuwirth (UNR). Le 19 décembre 1967, Lucien Neuwirth - avec l’appui total de l’opposition (!) et une petite minorité de son propre camp - avait réussi à faire adopter la loi autorisant la contraception orale. Pourriez-vous nous dire en quoi un débat politique articulé autour du « libre arbitre » semble ne plus avoir sa place aujourd’hui à l’Assemblée Nationale ? Comment expliquez-vous cette évolution ?

 

Je me souviens de notre échange et surtout de l’émotion ressentie ; comparer mon engagement à celui de ce député illustre, résistant, dont le combat parlementaire a permis cette avancée remarquable pour les femmes. Avais-je mérité une telle comparaison ?

 

Je pourrais citer d'autres noms comme Etienne Pinte, qui en tant que membre du  RPR eut l'audace de voter l'abolition de la peine de mort aux côtés de François Mitterand ; récemment encore nous échangions sur l'importance de l'indépendance de vote des parlementaires ; et Monsieur le Ministre Daniel Hoeffel qui à chaque rencontre pose toujours un regard si bienveillant sur mes actions.

Depuis mon élection, j'ai toujours suivi mes convictions, celles dont je suis fière, celles qui m'ont forgées et m'ont valu l'investiture par le mouvement présidentiel. Elles sont le reflet de mon attachement aux valeurs de la République, à la protection du service public, sans jamais négocier ni transiger avec mon approche éthique personnelle. Elles n'ont pas dévié.

 

Le fonctionnement de la Vème République repose sur une alliance des parlementaires de la Majorité avec l'exécutif, en cela rien de bien nouveau ; mais cette limitation de fait des prérogatives d'évaluation et de contrôle, pourtant dévolues aux députés, préférant s’adonner à une dynamique courtisane, peut interférer et nuire à l'intérêt des citoyens. Vouloir réformer le pays en profondeur ne doit pas légitimer un affaiblissement des deux chambres, bien au contraire

 

Je ne parlerai pas de libre arbitre, mais bien plus des attentes et de la confiance des citoyennes et des citoyens en leur élue, maintes fois réitérée depuis trois ans lors des débats dans ma circonscription et qui conforte mon engagement responsable ; le monde change, les attentes de la société civile en cette période particulièrement éprouvante encore plus.

 

Le gouvernement ne souhaite pas l'entendre, fort de sa toute puissance. L'Etat dirige jusqu'au plus profond de nos territoires, infantilisant les citoyens, confondant durant la gestion de cette crise, sécurité sanitaire et privation de liberté publique et individuelle. La haute administration a mis insidieusement sous tutelle des Ministres consentants, affectant la teneur même de notre état de droit.

Cette pandémie a mis en lumière le meilleur, comme les actions magnifiques de solidarité, mais le pire est apparu aussi.

 

Il est d'autant plus important dans ces moments d'exception de protéger la démocratie et de la faire vivre pleinement ; ne jamais la confiner, encore moins la bâillonner. Et la célérité à m'exclure du débat par mon groupe politique n’a-t-il pas traduit une forme de fébrilité qui ne devrait pas avoir sa place dans ce moment si particulier pour la France et l’Europe ?

 

 

Propos recueillis le 20/05/2020

Pascal Politanski

ovipal

 

 

 

 



21/05/2020
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