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L’Alsace a minima du préfet Marx

 La publication du rapport du préfet Marx sur l’avenir de l’Alsace constitue une nouvelle étape dans le feuilleton institutionnel que connait l’Alsace depuis 2013. Après la division, qui semble être le propre des élus alsaciens sur cette question, voici venue la parole de l’Etat, marquée du sceau des attributs censés la caractériser : autorité et hauteur de vue.

 

A cet égard, bien que la publication de ce rapport ait été précédée d’une large concertation auprès des différents courants politiques alsaciens, de responsables associatifs et du monde économique, ses préconisations traduisent la conception verticale du pouvoir telle qu’elle est revendiquée par Emmanuel Macron depuis son élection en 2017.

 

Dès le départ, la feuille de route pour ce rapport avait été tracée par le président Macron en personne : une possible reconstitution d’une entité administrative Alsace, mais sans sortie du Grand Est. Ce cadre avait amené les partisans d’une sortie du Grand Est à changer leur fusil d’épaule et à demander l’institution d’une collectivité alsacienne à statut particulier (à partir d’une fusion des deux départements) avec des compétences renforcées (économie, tourisme, bilinguisme…) mais qui resterait dans le Grand Est.

 

Le rapport exclut cette option. La raison invoquée à ce refus est la suivante : « Et surtout elle ne correspond pas au choix politique fait par le chef de l’Etat et le gouvernement » (page 138).

 

A partir de là, le rapport préconise pour la collectivité issue de la fusion des Bas-et-Haut-Rhin le statut de département. Et les transferts de compétence dont bénéficieraient ce département auraient lieu sous l’égide de la différenciation. Cependant, avec le statut de département, les transferts de compétence, que le rapport Marx n’exclut pas mais se contente d’évoquer de façon peu précise, risquent fort d’être une coquille vide.

 

La mise en place de la différenciation suppose une révision de la constitution (1). Or celle-ci est loin d’être acquise, alors que le statut particulier pourrait être mis en œuvre dans le cadre de la constitution actuelle sur la base de l’article 72.

 

Et les obstacles tant juridiques que de type organisationnel à d’éventuel transferts de compétence sont bien réels, qu’il s’agisse de l’économie (cf. la décision du tribunal administratif de juillet 2018 déclarant illégal le financement de l’ADIRA par les départements des Bas-et-Haut-Rhin) ou du bilinguisme (projet de suppression de l’Académie de Strasbourg à l’horizon 2020) (2).

 

Si elles étaient mises en œuvre, les préconisations du rapport Marx se traduiraient par la reconstitution d’une entité administrative Alsace, mais il s’agirait d’une Alsace a minima.

 

Au bout du compte, l’Alsace serait passée du statut de région, qu’elle avait jusqu’en 2015, à celui de département.

 

Bernard Schwengler

ovipal

18 septembre 2018                                                                                                                                           

                                                                                                                                                                            

 

(1) Le droit à l’expérimentation pour les collectivités territoriales a été introduit dans la Constitution par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. La mise en place d’une expérimentation est soumise au vote d’une loi d’autorisation et elle est limitée dans la durée (5 années au maximum). Le principe d’expérimentations sans limitation de temps suppose une révision de la constitution.

 

(2) Depuis les années 1990, le développement des sites bilingues en Alsace résulte d’une coopération entre le rectorat de l’Académie de Strasbourg (qui a le pouvoir décisionnel) et les collectivités territoriales alsaciennes (qui accordent un financement à l’Etat, en contrepartie de l’ouverture des sites bilingues). La suppression de l’académie de Strasbourg rendra plus difficile une coopération de ce type.

 



20/09/2018
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