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Le sénat : un concentré de ce que les français n’aiment pas dans la politique… s’ils étaient informés

Les élections sénatoriales ont lieu le 28 septembre. Elles ne mobilisent pas l’opinion publique, même si la défaite attendue de la gauche, qui y perdra sans doute la majorité, constituera un nouvel affaiblissement pour le PS, qui n’en a pas vraiment besoin. L’élection des sénateurs ne se fait pas au suffrage universel et peu de gens savent vraiment sur quelle base elle est organisée. On connaît encore moins le rôle, la fonction, les devoirs et les privilèges des sénateurs élus.

Heureusement serait-on tenté de dire, car le Sénat est un véritable concentré de ce que la plupart des français, pour de bonnes ou de mauvaises raisons,  détestent aujourd’hui dans la politique telle qu’elle est pratiquée sous ce régime. Voici quelques éléments de cette détestation potentielle. D’abord le mode de scrutin. Dans le Bas-Rhin par exemple, qui élit 5 sénateurs, le corps électoral correspondant n’a rien d’universel. Il est composé de 2727 « grands électeurs » (voilà une formule qui va plaire), composé à 5 % par les députés, sénateurs en place, conseillers généraux et régionaux, et pour 95% de délégués désignés par les conseils municipaux de toutes les communes du département, en proportion de leur taille.

C’est donc le sérail de ceux qui sont déjà élus qui choisit parmi les siens. Comme les élections locales souffrent d’un déficit de participation et que les élus manquent de ce fait de légitimité politique, l’élection des sénateurs, par contre coup, est encore moins représentative de l’opinion publique. La preuve en est donnée par la présence quasi nulle de membres du Front national dans ce corps électoral spécifique, alors qu’ils représentent un bon tiers des votants dans le Bas-Rhin.

Ensuite les électeurs, s’ils en étaient informés, seraient probablement atterrés d’apprendre qu’une partie des délégués des conseils municipaux ne sont pas des élus municipaux mais des quidams choisis dans la « société civile » par les partis qui y sont majoritaires. Ainsi, à Strasbourg plus de 300 de ces grands électeurs sont désignés par la majorité socialiste-vert.

On murmure d’ailleurs qu’ils ont le plus grand mal à trouver des volontaires tant leur appareil militant se réduit, finalement, aux seuls élus. Du coup ces grands électeurs peuvent être des membres de la famille, conjoint, enfants, ou des amis proches qui acceptent de jouer les faire-valoir. Ils n’y perdent pas tout puisque le vote, qui est obligatoire, est récompensé par le versement d’une indemnité. Au passage on notera que la liste de ces grands électeurs n’est pas véritablement rendue publique. On se demande pourquoi. C’est que l’endogamie de ces listes serait peut-être trop visible.

Beaucoup de français se demandent à quoi servent les sénateurs, une fois élus. Cette haute assemblée, appelée à sa création, en 1795, le « conseil des sages », est censée, dans le système « bicaméral » qui est le notre, apporter de la pondération face à la fougue supposée de l’assemblée nationale. Elle est formée d’élus venus du terroir, des collectivités territoriales, présumés plus conservateurs. Or, interrogés régulièrement par sondages sur les modes d’action qu’ils souhaiteraient, notamment pour affronter la crise, plutôt qu’un système complexe d’équilibrage entre élus qui s’élisent les uns les autres, les français semblent préférer un gouvernement fort et déterminé, fermement dirigé, que rien ne vient retenir par la manche. Raison de plus pour ne pas aimer la pondération d’un Sénat peu connu par ailleurs pour un dynamisme juvénile aujourd’hui très en vogue.

De plus, la position de sénateur fleure bon son privilège, notamment financier, chacun d’entre eux percevant 21 000 euros par mois (pour un tiers salaire, un autre tiers frais et le reste pour rémunérer au maximum trois collaborateurs). Ceux qui traquent l’endogamie, encore une fois, du système, seront ravis d’apprendre que dans sa grande sagesse, le règlement du Sénat limite à un seul le nombre de membres de la famille proche d’un sénateur susceptibles d’être l’un de ces collaborateurs rémunérés. Pour la petite histoire, l’épouse du député, ex secrétaire d’Etat qui ne payait pas ses impôts, Monsieur Thévenoud, était collaboratrice d’un sénateur socialiste.

Bien sûr, plusieurs de ces solides raisons de ne pas aimer le Sénat empruntent au populisme et à une incompréhension des bénéfices d’un fonctionnement démocratique, si irritant soit-il dans certains de ses aspects. On notera que le Front national est relativement silencieux sur ces différents points. C’est qu’il aspire lui aussi à participer au jeu politique et présente ici et là des candidats au Sénat…

La plupart des points évoqués ici sont peu connus du grand public, qui de toute façon, reste pour l’essentiel indifférent à ces enjeux, ou ne les comprend pas. Ainsi a-t-on oublié de dire au public alsacien que l’actuelle campagne, virulente, des élus de droite, dans le Bas-Rhin, comme dans son voisin du sud, contre la réforme territoriale et pour une « collectivité unique » ne les concerne pas directement. Il s’agit d’abord d’une opération électorale interne au corps des « grands électeurs » de la Région. Les élections sénatoriales ne concernent décidément pas tout le monde.

 

Philippe Breton

Ovipal

 

 



10/09/2014
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