. . . . OVIPAL - OBSERVATOIRE DE LA VIE POLITIQUE EN ALSACE . . . .

.       .   . . OVIPAL - OBSERVATOIRE DE LA VIE POLITIQUE EN ALSACE . . . .

Quel avenir pour le socialisme municipal à Strasbourg et à Mulhouse ?

Par Pascal Politanski (ovipal), sociologue

Maître de conférences à l’Université de Strasbourg

Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Strasbourg.

 

 

De quoi l’avenir politique sera-t-il fait pour le Parti Socialiste en Alsace, plus particulièrement dans les deux plus grandes métropoles que sont Strasbourg et Mulhouse ? A l’évidence, le verdict sortira des urnes le 30 mars 2014 au soir. Cependant quelques éléments de cadrage passés et récents peuvent être utiles afin de comprendre autant les enjeux politiques d’arrière-plans que les éléments plus spécifiques qui sont enracinés dans la vie de chacune des deux cités. Ces deux cités dans l’entre-deux guerres connaissent un enracinement à gauche mais leur destinée diverge dans la seconde moitié du XXème siècle : à Strasbourg, le socialisme tente de consolider ses positions au centre-gauche ; quant à Mulhouse se sont ses oscillations avec le centre-droit et la droite qui le caractérise.

 

Nous vous proposons de tirer le fil de la chronologie politique en insistant sur quelques moments déterminants susceptibles de mieux comprendre les trajectoires du PS pour les deux grandes métropoles alsaciennes, sans oublier cependant que certains traits du socialisme en Alsace se sont construits –à l’instar des autres mouvements politiques régionaux- au prisme historique des annexions : l’Alsace alterne entre France et Allemagne.

 

Ces oscillations contribuèrent nécessairement à positionner le patriotisme de chacun par rapport à l’appartenance nationale. Le renforcement du sentiment national s’amplifia en croisant le fer avec un mouvement autonomiste alsacien venu jouer les trouble-fêtes jusque dans les années 1970-1980. Mais pour en revenir au socialisme municipal, celui-ci est confronté à deux « atavismes politiques », deux variantes du réformisme, celui porté par la SFIO côté français et celui développé par le Parti Social Démocrate (PSD), Outre-Rhin.

 

Deux « atavismes politiques » du socialisme

 

Du côté français, le socialisme s’organise en parti politique en avril 1905, la SFIO est fondée au congrès de Paris. Les premières années sont marquées par le fait que révolutionnaires et réformistes sont au sein d’un même parti. Le courant réformiste de la SFIO, dirigé par Jean Jaurès, considère que les socialistes ont vocation à participer à des gouvernements d’union de la gauche avec les radicaux : c’est le refus du tout ou rien. L’idéal de Jaurès est celui d’une fraternité républicaine.

 

La séparation entre réformistes et révolutionnaires sera progressive. La SFIO (Section française de l'internationale ouvrière) prend position contre la politique coloniale et le nationalisme belliciste en dépit de nombreuses divergences. Une rupture essentielle intervient dès 1906, quand la majorité accepte la résolution du congrès d'Amiens sur l'indépendance syndicale. Mais, dès 1920, le congrès de Tours marque la rupture définitive entre réformistes et révolutionnaires, qui fondent le Parti communiste. La SFIO est désormais un parti ouvertement réformiste. En 1926, Léon Blum, expliquait la distinction entre la conquête du pouvoir et l’exercice du pouvoir. La conquête du pouvoir, explique Blum, est un acte révolutionnaire : c’est la prise du pouvoir politique comme condition de transformation du régime de la propriété. L’exercice du pouvoir, lui découle de l’acceptation des règles du jeu de la démocratie parlementaire, de l’alternance.

 

Du côté allemand, le socialisme a été marqué avant 1875 par l'héritage de grands penseurs. Le premier est Ferdinand Lassalle (1825-1864). Il préconise des réformes obtenues par des voies légales. Il fonde le premier parti socialiste en 1863, l'ADAV (Allegemeiner Deutscher Arbeiterverein).

En 1869, un autre parti est fondé par August Bebel et Wilhelm Liebknecht, le SDAP (Socialdemokratische Arbeiterpartei Deutschlands), qui s'engage dans la voie révolutionnaire En 1875, l'ADAV et le SDAP fusionnent lors du congrès de Gotha. Ils forment le SAD (Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands). Son programme est un compromis : il prône la révolution, mais participe à la vie politique. Son audience est très importante parmi les ouvriers. Il diffuse une culture socialiste par le biais d'un encadrement du monde ouvrier dans des activités sportives et culturelles. En 1890, le parti prend le nom de SPD, Sozialdemokratische Partei Deutschlands. Sous ce nom, il est un des plus anciens partis politiques existant encore en Europe Il oscille entre révolution et réformisme.

 

Le penseur et idéologue Bernstein lance à la fin des années 1890 un vaste débat sur la révision du marxisme (appelé le Bernsteindebatte). Il prônait l'abandon de la théorie marxiste au vu de l'évolution du capitalisme qui, au lieu de mener à la déroute du système assurait l’accroissement de la socialisation des richesses. Il n'y avait donc pas lieu de compter sur une issue révolutionnaire. Il demandait en conséquence à ce que le mouvement socialiste s'engage sur une voie réformiste en comptant sur les progrès graduels que lui auraient apportés l'action parlementaire d'un côté, et l'action syndicale, de l'autre. La démarche entreprise par Bernstein aboutit en  1959, lors du congrès de Bad-Godesberg, quand le SPD abandonne toute référence au marxisme et adhère pleinement à la social-démocratie, acceptant le libéralisme économique. Dès sa naissance des liens étroits avec les syndicats sont créés et le SPD devient le 1er parti de masse européen qui sert de modèle aux autres partis socialistes. SFIO et SPD partagent-ils ainsi leur volonté de (se) mettre à distance du marxisme même si le rejet du marxisme reste plus ambivalent en France et plus radical en Allemagne et leur rapport aux règles du jeu de la démocratie est plus rapide en Allemagne et plus tardif en graduel et tardif en France.

 

Ainsi les militants socialistes en Alsace sont marqués par ces deux composantes essentielles du socialisme : celle véhiculée par la social-démocratie allemande plus réformiste d’un côté et par la composante française de l’autre plus partagée entre changement réformiste et perspective révolutionnaire. De notre point de vue, il nous semble à la lumière des politiques sociales menées par les maires alsaciens de la SFIO que l’empreinte réformiste allemande ait eu quelques influences dans leurs conception et réalisation. Leur mise à distance du communisme au lendemain de la première guerre mondiale est également significative à cet égard.

 

Finalement, le socialisme en Alsace se partage non seulement entre ces deux « atavismes politiques » du socialisme mais également entre deux variantes du socialisme municipal qui apparaissent très nettement sur la longue période de l’après guerre entre les deux métropoles Strasbourgeoise et Mulhousienne.

 

 

 

 

Le cas mulhousien.

Le socialiste Auguste Wicky (1867- 1947) dirigea l’influent groupe socialiste du conseil municipal. De sensibilité social-démocrate, il choisit de rester fidèle à la SFIO (à laquelle la fédération mulhousienne, de tendance réformiste, avait adhéré en février 1919.

Les socialistes triomphent en remportant la majorité absolue aux élections municipales de mai 1925, à l’issue d’une campagne basée sur la défense des politiques de logement social déjà amorcées, et à la faveur d’une alliance au second tour avec les radicaux.

Élu maire de Mulhouse en 1925, Auguste Wicky fut réélu et retrouva une large majorité en mai 1929, malgré la participation de plusieurs socialistes aux listes présentées au second tour par les partis de droite. Il fut à nouveau réélu en mai 1935, après avoir obtenu l’union des partis de gauche (SFIO, PCF et radicaux) au second tour.

Favorable aux revendications ouvrières, la municipalité socialiste d’Auguste Wicky instaura une assurance mutuelle de la ville, une assurance contre le chômage, et imposa des salaires minima aux entreprises du bâtiment bénéficiaires des marchés publics, mesures sociales désapprouvées par la bourgeoisie patronale mulhousienne.

Elle entreprit également la réalisation d’un vaste programme de construction d’habitations à bon marché (cités Brustlein, Wolf II et du Haut-Poirier, puis quartier du Drouot) et d’équipements (scolaires, notamment) indispensables à la vie de ces quartiers. Pendant la crise économique des années 1930, la municipalité engagea une politique de travaux (voirie, adduction d’eau, modification du cours de la Doller, construction de nouveaux logements sociaux), sans toutefois parvenir à faire reculer significativement le chômage malgré les efforts entrepris.

De retour à son poste après la libération de Mulhouse (28 novembre 1944), Auguste Wicky dut affronter les difficultés de ravitaillement dans une ville encore menacée par l’artillerie allemande et meurtrie par les bombardements alliés de mai-août 1944. Réélu maire en octobre 1945, Auguste Wicky entama la tâche immense de la reconstruction, dont l’achèvement nécessita plus d’une douzaine d’années. Puis les maires qui succèderont à Auguste Wicky feront connaître à la ville de Mulhouse une alternance politique du socialisme à la droite, en passant par le centre ; ce phénomène d’alternance ne concernera pas la ville de Strasbourg (la SFIO perdra la mairie en 1935 jusqu’en 1989, moment où la Députée Catherine Trautmann (PS)° enlèvera la mairie.

Les maires mulhousiens seront les suivants : Lucien Gander (1947-1953) – RPF, Jean Wagner (1953-1956) – SFIO, Émile Muller (1956-1981) - SFIO, puis MDSF, Joseph Klifa (1981-1989) - UDF-PSD et pour les deux derniers mandants, Jean-Marie Bockel (1989-2010) - PS, puis LGM et Jean Rottner (depuis 2010) - UMP

Jetons un regard plus soutenu sur la soirée municipale du 16 mars 2008 à Mulhouse marque le changement d’étiquette en passant de la gauche à la droite, puisque le mouvement politique de La Gauche Moderne créé et incarné par Jean-Marie Bockel fait alliance avec l’UMP.

Jean-Marie Bockel ex-PS rallié à Nicolas Sarkozy (adhérent au PS de 1973-2007), qui devient secrétaire d'Etat à la Coopération en 2007, a été réélu d'un cheveu, avec une avance de seulement 0,59%. "J'ai le sentiment d'avoir joué très gros ce soir", mais "seule la victoire est belle". Réélu sur le fil du rasoir avec seulement 168 voix d'avance sur son concurrent, le candidat du PS Pierre Freyburger.

En 1989, Jean-Marie Bockel avait pourtant gagné sous les couleurs du PS la mairie de Mulhouse. Ironie de l’histoire politique mulhousienne, il jugeait auparavant la dérive d’un autre maire mulhousien, celle d'Émile Muller en ces termes : « Ce n'est pas le Parti socialiste qui a changé, c'est Émile Muller qui veut conserver la mairie à n'importe quel prix. Pour lui, la reconduction de l'accord municipal avec les centristes et la bourgeoisie mulhousienne est incompatible avec l'union de la gauche. Mais Émile Muller et ses amis n'ont pas l'honnêteté de démissionner immédiatement du PS » (1). Bref le comportement de Jean-Marie Bockel montre que l’orientation droitière de certains maires (initialement) socialistes dépasse les simples choix personnels puisqu’à son tour il effectue la même alliance qu’il dénonçait à l’encontre de son collègue Émile Muller. Ce dernier a été membre des Jeunesses socialistes et secrétaire de l'union CGT locale, il fut le président fondateur du Parti de la démocratie socialiste, en 1970. Il crée, en 1973, avec Max Lejeune, le Mouvement des démocrates sociaux de France et rejoint ensuite Valéry Giscard d'Estaing. Émile Muller assure sa relève en démissionnant en 1981 et en assurant avec  Joseph Klifa (UDF-PSD), son dauphin.

Par ailleurs, n’oublions pas également, l’itinéraire qu’a dû suivre le maire SFIO Jean Wagner  quelques années auparavant : même s’il s’agissait de mettre fin à un blocage municipal par l’opposition MRP et Gaulliste (2) l’accord d'"entente municipale" conclu par le maire SFIO Jean Wagner (1953-1956), le 22 juin 1953, aboutissant à un partage des postes d'adjoint entre les partis représentés au conseil municipal, dépolitise totalement la gestion des affaires communales mulhousiennes… autre manière de décliner le réformisme mulhousien.

Enfin, afin de parachever cette trajectoire de l’évolution du socialisme mulhousien vers le centre et la droite, revenons sur le cas de Jean-Marie Bockel. L’une des figures symbole de "l'ouverture" Sarkozienne crée son parti La Gauche Moderne (depuis 2007) pour rejoindre finalement l’UDI (en 2012). Le soutien à la droite se cristallise plus encore en mai 2010. Jean-Marie Bockel, qui choisit de se consacrer à ses fonctions gouvernementales et à la présidence de la communauté d'agglomération de Mulhouse démissionne alors pour soutenir Jean Rottner (UMP) qui est largement élu avec 37 voix de conseillers municipaux sur 55.

 

Le socialisme municipal mulhousien s’était pourtant nourri  des racines socialistes (comme à Strasbourg) qui s’étaient sont fortifiées dans l’entre-deux guerres. Cette période a été très favorable aux revendications ouvrières : la municipalité socialiste d’Auguste Wicky instaura une assurance mutuelle de la ville, une assurance contre le chômage, et imposa des salaires minima aux entreprises du bâtiment bénéficiaires des marchés publics, mesures sociales désapprouvées par la bourgeoisie patronale mulhousienne. Pendant la crise économique des années 1930, la municipalité engagea une politique de travaux (voirie, adduction d’eau, modification du cours de la Doller, construction de logements sociaux), sans toutefois parvenir à faire reculer significativement le chômage.

La gestion par des socialistes d’un grand nombre de mairies, et métropoles régionales particulièrement, est une donnée fondamentale de l’histoire urbaine de la IIIe République. Visant à améliorer les conditions d’existence de la classe ouvrière, ces politiques étaient menées au nom d’une forte idéologie socialiste, mais selon des méthodes pragmatiques et réformistes.

En tant qu’élus locaux, les maires socialistes dans ces villes –comme à Mulhouse-entreprennent des politiques ambitieuses, non pas en vue de renverser l’État capitaliste, mais plutôt pour le transformer de l’intérieur, au niveau local comme au niveau national. Ils s’appuient sur des relais à la Chambre pour les mettre en œuvre. Réformistes de conviction, ces élus n’ont cependant pas su influencer durablement la doctrine de la SFIO.

Avec la montée de la crise économique des années 1970, les maires socialistes de Mulhouse n’auraient-ils pas tendance à gommer cette tendance réformiste et à s’inspirer de la tradition des maires « industriels » de la "fabricantocratie" protestante et libérale qui domina la ville jusqu’à l’annexion allemande de 1871 ?

Au-delà d’une simple lecture en termes de choix strictement personnels, ne seraient-ils pas tentés (Émile Muller  tout comme Jean-Marie Bockel), chacun à leur manière, de rejeter les influences marxistes et ouvrières –et les politiques sociales municipales- en choisissant d’opérer non seulement un glissement dans leur politique municipale mais surtout de leur topique idéologique vers les partis du centre ou de la droite ?

 

Ces quelques analyses, montrent que les leaders SFIO puis PS qui deviennent les premiers magistrats de la ville, font basculer la gestion de Mulhouse au centre et à la droite  de l’échiquier politique . Il est évident que cela ne va pas sans heurts comme en témoigne la réaction des militants socialistes (sans doute moins réformistes et moins happés par la dérive idéologique centriste et droitière )qui conteste le virage Bockelien par le challenger socialiste à la mairie depuis 2008 Pierre Freyburger (PS).  Certes Mulhouse n’est pas un cas unique de cette évolution à l’échelle française mais cette ville se distingue fortement par ces choix idéologiques  de l’évolution prise par la SFIO et le PS à Strasbourg.

 

 

Le cas strasbourgeois.

 

A Strasbourg, l’évolution des politiques municipales s’enracine également et se nourri également dans l’entre-deux guerres sur le terreau du socialisme et du réformisme.

 

Jacques Peirotes (1869- 1935), socialiste français devient  maire de Strasbourg de 1919 à 1929 et député du Bas-Rhin de 1924 à 1932. Le jeune Jacques-Laurent Peirotes apprend le métier de typographe tout en se lançant dans la vie politique. Dès 1900, il est rédacteur de la Freie Presse (la Presse libre) qui était un organe du Parti social-démocrate strasbourgeois qu'il avait rejoint en 1895. En 1902, il en devient directeur politique. En 1913 le journal tire à 9 500 exemplaires.

Il entre au conseill municipal de Strasbourg en 1902 et est élu conseiller du canton sud du Kreis Straßburg (Stadt) (arrondissement de Strasbourg-Ville) en 1903. Il est aussi député à la deuxième chambre du Landtag du Reichsland Elsaß-Lothringen de 1911 à 1918 et député de Colmar au Reichstag en 1912.

Quand la guerre éclate, il est exilé par les autorités allemandes à Hanovre et paré du titre de Proscrit d'Alsace. Il fait publier Neutral oder Französisch (Neutre ou français). De retour à la fin de la guerre, il a l'habileté de neutraliser les comités de soldats et d'ouvriers. Il siège en tant que président de la Commission municipale de Strasbourg du 10 au 29 novembre 1918. Le 10 novembre 1918, il proclame la déchéance de la monarchie et l'avènement de la République

Élu maire de Strasbourg en 1919 et réélu en 1925, il crée un office municipal d'habitat bon marché qui construit 3 000 logements sociaux en 10 ans. Il est battu en 1929 par une coalition de communistes et d'autonomistes qui porte Charles Hueber à la mairie. La politique de Peirotes sur le plan social fera date dans l’histoire communale strasbourgeoise.(3)

 

Cependant, à l’inverse de Mulhouse, la gauche socialiste strasbourgeoise perdra la mairie puis ne la retrouvera qu’en 1989. La victoire de Catherine Trautmann constitue un séisme politique d'ampleur nationale. Elle sera maire de Strasbourg et présidente de la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) de 1989 à 1997 et de 2000 à 2001. Avec la prise de Strasbourg par la gauche, elle devient la première femme maire d'une ville de plus de 100 000 habitants.

 

Sa victoire va permettre la réalisation du tramway, et l'essor des transports publics et de l'intermodalité (zones piétonnes, recul de la place de la voiture en hyper-centres), qui ont joué un rôle majeur dans la requalification de Strasbourg. Plus qu’une politique à proprement parler sociale en tant que telle, il s’agit d’une politique très importante d’aménagement du territoire par les transports qui mené à une cadence sans relâche… dans laquelle les quartiers de la périphérie où se trouvent les grands ensembles ne sont pas délaissés.

Cette politique d’aménagement sera reprise comme l’un des axes majeurs du programme de 2008 lors de la reconquête de la municipalité par le PS. Le 16 mars 2008 à Strasbourg, les résultats sont sans appel. L’actuel maire, Roland Ries (adhérent au Parti socialiste depuis 1977 (après un passage au PSU de 1971 à 1977) remporte la mairie de Strasbourg avec 58 % des suffrages face à Fabienne Keller (UDF de 1991 à 2002 ; UMP depuis 2002). Ce score est le meilleur qu’ait fait un candidat socialiste dans la ville depuis la Libération.

La ville de Strasbourg a été pendant longtemps un bastion des partis de droite, puisque ces derniers ont seulement dirigé la ville entre 1935 et 1989. L’époque socialiste et communiste des années 1920 et du début des années 1930 (Jacques Peirotes, 1919 – 1929, SFIO ; Charles Hueber, 1929 – 1935, PCF et Volksfront) devait sembler bien lointaine lorsque les socialistes ont repris la mairie en 1989, année de la première élection de Catherine Trautmann. Les socialistes ont conservé la mairie depuis lors, à l’exception de la législature 2001 – 2008 où elle a été occupée par Fabienne Keller (UMP).

L’agglomération de Strasbourg constitue actuellement le seul véritable fief de la gauche dans le Bas-Rhin, les socialistes contrôlant également les mairies de Schiltigheim, Ostwald et Illkirch-Graffenstaden. Les théoriciens du « socialisme strasbourgeois » n'hésitent pas à le dépeindre comme une solution où la démocratie-chrétienne se serait diluée dans la social-démocratie. "Beaucoup de centristes se reconnaissent plus en nous qu'en Nicolas Sarkozy", se félicite Jacques Bigot, président (PS) de la communauté urbaine de Strasbourg (CUS), Maire d'Illkirch-Graffenstaden (4).

 

Mais peut-être assiste-t-on à une multitude des mutations urbaines concourant ensemble à la « gentrification » de Strasbourg :  l’identité alsacienne se dilue dans la ville " Strasbourg s'est normalisée. Plus personne, ici, ne parle alsacien, l'identité régionale s'efface peu à peu. Strasbourg n'est plus l'Alsace, et l'Alsace ne se reconnaît plus dans Strasbourg", dit Philippe Breton, professeur au Centre universitaire d'enseignement du journalisme (CUEJ) (5).

Bref, les processus urbains de substitution des populations où  « les pauvres sont remplacées par les riches ou par les classes moyennes. » Si Strasbourg ‘‘ville libre’’ commence à échapper à un vote purement légitimiste c’est peut-être parce que les municipalités socialistes à l’instar des municipalités de centre-droit ont répondu non seulement à des besoins culturels et sociaux mais également à des besoins de préservation du patrimoine des classes moyennes et favorisées….notamment en droite ligne de la politique d’aménagement menée par les maires avocats et MRP (à leurs débuts) que furent Pierre Pflimlin (maire de 1959-1983) et Marcel Rudloff (de 1983 à 1989).

 

 

La réoccupation des centres de villes par les classes moyennes et aisées, faciliterait l’avènement du confort résidentiel et du confort moderne et culturel, grâce à la « gentrification » conduit à examiner l’idée de la mise en place d’un confort urbain postmoderne, créant et exigeant ainsi des centralités (nouvelles) à déterminer. Ainsi comme l’explique le géographe Philippe Gerber :

« Les politiques mises en place durant ces 40 dernières années, autant la Rénovation urbaine que la réhabilitation, entre autres, ont largement concouru à déclencher le processus de gentrification.

La gentrification favorise donc une demande centrale citadine, les acteurs étant surtout cette nouvelle population formée des jeunes classes moyennes ou aisées. En retour, la recentralisation s’effectue et attire également certaines catégories sociales susceptibles de correspondre à ce mouvement résidentiel. Gentrification et recentralisation se nourrissent mutuellement jusqu’à ne plus pouvoir marquer la distinction entre leurs causes et leurs effets, provoquant ainsi une boucle rétroactive du sous-système centre-ville ». (6)

En somme à Strasbourg, l’évolution des politiques municipales s’enracine et se nourri toujours dans les premiers pas des politiques d’aménagement accomplies par Peirotes, mais une évolution s’est opérée par la mutation sociologique qu’a connu la ville et qu’il également fallu accompagner en pointant le cursus du réformisme plus au centre…sans obliquer vers la droite sur le plan idéologique comme cela est le cas de la cité mulhousienne.

 

Socialisme municipal strasbourgeois et mulhousien se nourrissent ainsi des mêmes sources historiques de l’après première guerre mondiale. Il n’en reste pas moins, qu’en dépit de leur composition avec les politiques s’inspirant du centrisme, la déclinaison des politiques sociales y a connu des trajectoires différentes : s’écartant ainsi bien plus des premières traces du socialisme municipal à Mulhouse en faisant pacte avec la droite ; quant au cas strasbourgeois, celui-ci reste plus teinté de nuances car les politiques sociales restent néanmoins un point d’ancrage vivace, notamment avec le logement et aussi une politique culturelle qui a toujours cherché à conserver certaines attaches avec un grand nombre de catégories sociales populaires.

 

 

·       (1) in « Mulhouse, du passé au présent », de Jean-Michel Bockel et Eugène Riedweg, édition : J.-M. Bockel, 1983.

·       (2) La SFIO n'était que relativement majoritaire (13 conseillers sur 37), face à des élus MRP (10 sur 37).

·       (3) Jacques Peirotes et le socialisme en Alsace: 1869-1935. BF Editions, 1989

·       (4). Le Monde du 1 juin 2012 www.lemonde.fr/.../strasbourg-un-ilot-rose-dans-la-mer-bleue-alsacienne_ 1711108_823448.html

·       (5). Le Monde du 1 juin 2012 www.lemonde.fr/.../strasbourg-un-ilot-rose-dans-la-mer-bleue-alsacienne_ 1711108_823448.html

·        (6)Philippe Gerber, « Gentrification et confort postmoderne. Élements émergents de nouvelles centralités. L'exemple de Strasbourg », thèse de géographie sous la direction de Colette Reymond-Cauvin, Strasbourg, 2000.

·        (7) Autres sources : fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_maires_de_Strasbourg  et fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_maires_de_Mulhouse



18/03/2014
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au site

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 866 autres membres