Sarre-Union : Profanation néo nazie ou transgression apolitique ?
Le comportement des jeunes profanateurs relève-t-il du néonazisme ou d’un comportement transgressif, permis par le fait que nous avons laissé s’installer une représentation, non politique, du nazisme comme figure du Mal ?
Au stade où nous en sommes de l’enquête, il apparaît clairement que les profanations du cimetière de Sarre-Union ont été accompagnées de paroles et d’actes relevant de la symbolique nazie comme le salut hitlérien, ou des paroles insultantes contre les juifs. Pour beaucoup, l’affaire est donc entendue, ces jeunes sont des adeptes de cette idéologie, dans une région, ajouterons certains, de façon polémique, supposée d’extrême droite et fortement marquée par un vote Front national important.
Idéologie ou transgression ?
Est-ce si simple ? Ne peut-on regarder la chose autrement, sans que cela excuse les comportements profanateurs ? Ne faut-il pas faire une distinction claire entre soit la manifestation d’une adhésion à une idéologie soit un comportement transgressif, cherchant à se situer de l’autre côté de la Loi et des normes communes ? Les motivations de l’acte ne sont pas du tout les mêmes dans les deux cas. Les réponses à apporter à de tels comportements non plus.
Adopter un comportement néo-nazi, conscient et militant, suppose d’en connaître a minima le contenu idéologique, les grands principes, l’histoire et les valeurs. Il n’est pas sûr que la culture et les connaissances des jeunes mis en cause à Sarre-Union aillent jusque là. Ce point mériterait en tout cas d’être éclairci.
Par contre, utiliser la rhétorique gestuelle de la symbolique nazie dans un cadre purement et uniquement transgressif, ne nécessite aucune connaissance politique d’aucune sorte. L’effet provocateur est garanti car cette symbolique se présente comme une figure du Mal absolu, indépendamment de toute idéologie.
Le nazisme comme figure du mal
La culture populaire a en effet transformé le nazisme, faute des clés pour comprendre ce phénomène complexe, qui échappe encore en partie aux historiens eux-mêmes, en figure du Mal absolu. La problématique du nazisme est donc enfermée dans ce cadre un peu métaphysique, qui empêche de voir qu’il s’agit plutôt d’une dérive aberrante et meurtrière du politique.
On aboutit à ce paradoxe difficilement compréhensible qui voit des jeunes utiliser tous les attributs extérieurs d’un nazisme politique dont ils ignorent tout, pour mettre en œuvre une symbolique de rupture transgressive, grâce à l’invocation de la figure du Mal la plus ultime qui soit sur le marché des symboles.
Leur comportement n’est pas moins grave et condamnable car il relève de la mise en œuvre d’une violence extrême, dans le symbole comme dans l’action, puisqu’il conduit à une profanation massive des morts. Mais ce serait peut-être une fausse voie que de l’analyser en termes politiques et de voir là une résurgence du néonazisme, ou, erreur encore plus fondamentale, de mettre en œuvre à son sujet, pour des raisons bassement électoralistes, des amalgames avec le Front National.
Par contre, nous devons nous demander d’une part pourquoi nous avons laisser transformer la représentation du nazisme, dérive historique meurtrière du politique, en « figure du Mal » intemporelle, et d’autre part ce qui a pu se passer, chez ces jeunes, du point de vue de ce rapport pour le moins défaillant à la Loi qui caractérise leur comportement.
Philippe Breton
Ovipal
Version du 1er mars 2015
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