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Trop d’électrochocs « Front National » finiront par tuer le « sursaut républicain ».

 

 

Il est intéressant de constater que la notion  de « Front Républicain » a été supplantée dans les média par celle de « sursaut républicain ». Dans notre régime actuel de la Cinquième République, le terme de « front républicain » désigne le rassemblement, lors d'une élection, de partis politiques de droite et de gauche contre le Front national (FN), considéré par ceux-ci comme un parti d'opposition au régime républicain. Or les commentateurs invoquent désormais le terme de « sursaut » plutôt que celui de « front » quand il s’agit d’établir ce cordon sanitaire lors des scrutins électoraux vis-à-vis du FN. Pourquoi cet échange des termes ?

Penchons-nous sur la définition du mot « sursaut » avant de voir ce qu’elle peut bien représenter dans le champ politique français.

Sursaut (Nom Masculin)

  • 1/ « Mouvement brusque involontaire par lequel quelqu'un, un animal se redresse brusquement sous l'effet d'une vive surprise, d'un sentiment d'agression.: Avoir un sursaut de peur ».

Un sursaut de dégoût, d'horreur, d'indignation, d'orgueil, de rage, de révolte. J'eus un sursaut d'étonnement et je m'écriai: « Marier Berthe?... Mais c'est impossible! » (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Berthe, 1884, p. 991).

  • 2/ « Fait de reprendre courage soudainement après une période de fléchissement : Il eut un sursaut d'énergie ».

 

Le sursaut renvoie à une dimension émotionnelle et se centre sur la motivation des individus. En politique, ce concept tire ses origines de diverses coalitions ou stratégies ayant visé à défendre le régime républicain ou à faire barrage à « l'extrême droite » depuis la Troisième République: la plus citée est celle du Front républicain de 1956. En effet, à l’échelle de l’histoire du XXème siècle la plupart des commentateurs font remonter les origines du Front républicain à 1956, alors qu’une une coalition électorale de centre gauche nouée en France à l'occasion des élections législatives visait à contrer le mouvement poujadiste et à trouver une issue à la guerre d'Algérie.

 

 

Le parti « Les Républicains » a été le fossoyeur du front républicain

 

Si cette notion de front républicain est devenue un concept théorique et pratique à géométrie variable depuis l'apparition du FN ; elle reste néanmoins davantage ancrée à gauche plus qu'à droite, comme nous le montre la récente intervention du 1er Ministre Manuel Valls. La droite alors qu’elle gouvernait n’avait pas hésité à de nombreuses reprises à (laisser) passer des alliances locales avec l'extrême droite. L’argument était marqué par le sceau de la simplicité, voire de la mauvaise foi politique ; il consistait à justifier sa stratégie face au FN en invoquant les alliances symétriques du PS avec le PCF, alors que ce dernier était devenu réformiste !

Le second tour de l'élection présidentielle de 2002 est considéré comme le point culminant de la stratégie de front républicain et donne l’illusion qu’une alliance quasi-automatique des forces républicaines allait encore de soi. Et pourtant !

La montée du FN comme force politique (la première lors des récents scrutins locaux ou européens) est venue ébranler la notion de front républicain : son efficacité et sa légitimité sont régulièrement contestées, en particulier depuis le regain électoral du FN depuis les années 2010. Il est aujourd’hui évident qu’il faille conclure à la « mort » après l'adoption par l'UMP de la doctrine dite du « ni-ni » (ni PS, ni FN) en 2011. L’UMP –devenu ‘‘Les Républicains’’- est le mouvement politique qui a joué le rôle de fossoyeur non seulement de la notion de front républicain sur un plan idéologique, mais sur un plan pratique lors des scrutins électoraux. Les récentes déclarations de Nicolas Sarkozy entre le 1er et le 2ème tours des élections régionales l’illustrent à merveille. La curiosité politique est que, de moins en moins d’observateurs, ne viennent s’en offusquer.

 

 « L’individualisation » électorale du front républicain : un sursaut  émotionnel ?

Le FN était la 1ère force politique lors du 1er tour des Régionales. L’inconvénient de ce choc, c’est qu’il entraîne une réaction émotionnelle et qu’il n’a de cesse d’encourager une classe politique à ne faire de la politique qu’à partir de ces situations conduisant à une pathologie du vote républicain. Au lieu de favoriser la création d’une conscience politique et citoyenne éclairée par les moyens de l’éducation et de la culture, elle amplifie les conditionnements civiques émotionnels qui viennent traduire et conduire les choix électoraux.

 

Le risque majeur est que la place de l’émotion s’accentue au détriment des arguments raisonnés et du débat. Au lendemain des attentats, la classe politique unanime s’était levée pour saluer la proposition de François Hollande de déchéance de la nationalité pour ceux qui menacent la République. Avant qu’une partie d’entre elle se demande si cette mesure, qui interroge le droit du sol, était bien utile car la législation en la matière existait déjà. Alors que l’opinion attendait des gestes de protection forts, la classe politique marche dans les pas du FN : le gouvernement prolonge l’état d’urgence, comme s’il relevait de l’Etat de droit. Les Républicains poursuivent et en rajoutent –comme d’accoutumée- sur la sécurité, l’identité et l’appartenance nationale ! . Le sentiment de dégoût ne peut qu’envahir les électeurs du Front National, mais également les autres électeurs au nom « d’un déjà vu politique » qui n’apporte aucune vision du monde, aucun projet politique digne de ce nom.

 

« L’individualisation » électorale du front républicain  -centrée essentiellement sur l’émotion- a conduit au « sursaut » individuel républicain.

Les électeurs ont-ils suivi les consignes données par le 1er Ministre Manuel Valls ?

Les résultats étaient particulièrement attendus dans les trois régions où le PS, arrivé troisième, s'était désisté pour faire barrage au Front national. Cela constituait en soi l’élément qui permettrait d’en déduire ‘‘mécaniquement’’ la persistance du front républicain. Certes en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Provence-Alpes-Côte d'Azur, le FN s’efface devant la droite. En revanche, en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, le maintien du socialiste Jean-Pierre Masseret (15,8%), au mépris des consignes du PS, n'a pas profité à Florian Philippot (36,3%) : les préconisations nationales du PS n’opèrent plus sur sa famille d’électeurs. Nous assistons à l’individualisation du sursaut républicain dont le principal ressort est conditionné par la réaction émotive de chaque sujet  !

 

Cette fonction de résilience républicaine a assuré provisoirement encore une fois, sur le plan démocratique, la victoire du PS et des Républicains... mais les mécanismes politiques conditionnés autour de l’émotion vont-ils continuer à faire fonctionner les  réflexes électoraux ? Rien n’est moins sûr. Il est grand temps de favoriser un débat politique construit autour de la raison et autour des valeurs de la République et que les partis politiques qui revendiquent l’adjectif « républicain » ne bradent les derniers fondamentaux de la République. Face à la plus formidable destruction sociale depuis la Libération, ce n’est pas une simple «sortie de crise» qu’il faudrait imaginer au plus vite, mais bien un changement de société.

 

Pascal Politanski (Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques / Ovipal), 14 décembre 2015



14/12/2015
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