. . . . OVIPAL - OBSERVATOIRE DE LA VIE POLITIQUE EN ALSACE . . . .

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Après l’élection de Trump : que faudra-t-il créer ou abolir pour survivre dans les temps à venir ?

Il est question plus ou moins, d’abolir le politique, la fonction publique, l’écologie, la tolérance, l’égalitarisme et le recours à l’intelligence humaine pour être résilient dans les temps avenirs ? Est-ce envisageable, ces institutions humaines ne sont-elles pas consubstantielles de la démocratie et de la modernité ? Faudra-t-il se résoudre à leur disparition ? Certains hommes politiques semblent le penser. Bien qu’intéressé prioritairement par les questions de politique régionale, nous ne pouvons rester silencieux face à la situation internationale et la déflagration mondiale que constitue l’inauguration du second mandat de Donald Trump, dans un style offensif et brutal qui marque ses premières résolutions ainsi que le contenu radical de ses discours.

 

Nos contemporains pourraient être tentés de croire que cet événement révèle, presque du jour au lendemain, un nouvel état du monde ainsi qu’un nouveau rapport de force entre les intégrations régionales (blocs régionaux) et entre les États-Nations. Mais une réflexion qui s’appuie sur l’histoire de la pensée économique et politique, montre que cette nouvelle configuration des rapports de force est en préparation de longue date et s’inscrit pleinement, dans la continuité des étapes et des dérives antérieures. Elle vient confirmer notamment les intentions politiques réitérées depuis un siècle par les divers courants néolibéraux (1). Saurons-nous identifier et surmonter cette doctrine socialement, politiquement et écologiquement mortifère ?

 

« Populisme nationaliste », « populisme antisystème », « contre-élite », « illibéralisme », « mythologie révolutionnaire de la mouvance d’extrême droite », « plouto (pluto)-populisme », « présidence rhétorique », « apocalypse politique », « Présidence de la disjonction ou de la disruption», etc., les spécialistes de la vie politique américaine et des sciences politiques en général, peinent à qualifier le phénomène états-unien actuel même s’ils en cernent assez facilement les origines dans des traditions américaines multiples et conflictuelles (2), les ressorts et les contradictions.

 

Le président lui-même ne se réclame d’aucun courant. Il semble vain de chercher à faire rentrer ce profil politique singulier dans un cadre prédéfini car ses manifestations (options politiques, personnalité, comportements, communication, etc.) semblent souvent incohérentes et n’intègrent que difficilement les grilles d’analyse usuelles (protectionniste mais expansionniste ; nationaliste mais globaliste ; conservateur et réformiste radical, etc.). Le phénomène Trump est ainsi le plus souvent défini négativement (ni ceci, ni cela, atypique). Est-ce une stratégie délibérée, une manière de récolter des voix auprès des partisans de tous bords  et particulièrement auprès des populations étrangères ou défavorisées ? Quelle est la stratégie sous-jacente et pourquoi emporte-t-elle une si large adhésion aux USA voire au-delà ?

 

Car les discours et la façon de s’exprimer de Donald Trump (pour autant qu’on puisse la comprendre), comme celle des magnats du numérique et des représentants de la ploutocratie américaine, n’auraient que peu d’effets (face aux contre-pouvoirs) s’ils n’étaient relayés, consciemment ou inconsciemment non seulement par leurs partisans mais également par une nouvelle approche du « bon sens  partagé» par les électeurs (ce qui montre bien que cette pensée infuse depuis longtemps). Ces discours révèlent au grand jour les principales priorités définies et couramment admises par certains hommes politiques mais aussi par les milieux d’affaires et par une fraction importante des citoyens dans tous les pays développés et émergents.

 

Ces attitudes et options disruptives (antisystème, anti-État, xénophobe, etc.) correspondent à des valeurs et des croyances que l’on retrouve un peu partout dans le monde aujourd’hui, parfois indépendamment de l’appartenance aux classes sociales et des clivages politiques usuels, qu’elles transcendent en partie (en partie seulement car opinions émanent surtout de l’extrême droite).

De fait, cette pensée brutaliste mais performative (on peut toutefois s’interroger sur son efficacité et ses résultats à moyen terme), dont l’occident paraissait jusqu’ici vouloir se démarquer, du moins formellement, risque fort de devenir, compte tenu du rôle leader des USA, la nouvelle boussole du monde, la nouvelle référence des politiciens sur leur territoires. C’est également bien évidemment, l’état des technologies numériques (NTIC) et la dérégulation dans leurs usages qui autorise cet aboutissement.

 

Cette « doctrine » se caractérise par un petit nombre de thèmes récurrents :

 

- La « haine » paradoxale du politique par le politique, la dénonciation du système discrétionnaire et des «décisions arbitraires » étatiques et fédérales au profit de modes d’organisation et de régulation fondés sur les mécanismes décentralisés de marché (la concurrence, l’échange marchand, la méritocratie) et sur les préférences individuelles, ne constituent pas un phénomène récent.

 

Elles remontent à l’immédiat après-guerre, à la guerre froide, au rejet du communisme, à la concrétisation de l’ordolibéralisme en Allemagne (première étape de ce processus comportant des variantes selon les auteurs (3) puis du néolibéralisme américain (Hayek, Friedman, École de Chicago, Reagan) et britannique à partir des années 70 et 80. Tout cela s’est silencieusement accentué au fil des décennies en dépit de l’instauration d’un partage théoriquement bien établi entre d’une part les pays dits « États naturels » (ou ordres d’accès limité) caractérisés par des régulations autoritaires (planification impérative, normes dont l’application est contrôlée par des polices politiques et des mœurs comme dans les théocraties, etc.) et d’autres part, les pays dits « ordres d’accès ouverts (North & al. 2010, Bomsel 2023).

 

Ces derniers sont régis par l’État de droit, les principes du libéralisme, un appareil juridique théoriquement impartial et des mécanismes de marché concurrentiels (dits libres et non faussés), tout un ensemble de règles qui donnent en principe à chaque citoyen (formellement au moins) un accès équivalent aux fonctions électives ainsi qu’aux ressources économiques et symboliques. De ce point de vue, les travaux des politistes et des économistes néo-institutionnalistes sont sans ambiguïté : l’occident avait déjà en principe fait le choix de limiter l’emprise des États et ses pouvoirs coercitifs pour s’appuyer sur la démocratie représentative en ce qui concerne la gestion des affaires publiques et pour le reste, il s’agit de faire confiance aux « ordres spontanés » et notamment aux mécanismes issus de la recherche par chacun de son avantage à travers la généralisation des jeux de l’échange (catallaxie).

 

Les ordres d’accès ouverts en principe propices au développement et aux institutions démocratiques étaient également supposés être les seuls à pouvoir et vouloir lutter contre le changement climatique et ses effets dévastateurs. Mais cette dernière grille de lecture vient de perdre toute pertinence dans le contexte du second mandat de Donald Trump : non seulement le néolibéralisme a corseté la démocratie (Brown 2018), restreint la liberté de choix réels notamment des plus démunis mais désormais il balaye aussi sans état d’âme les préoccupations environnementales.

 

On peut dire que la vision néolibérale hayékienne telle qu’elle était déjà présentée dans « Droit, législation et liberté » (1973-1979) est désormais presque intégralement concrétisée. La prise de contrôle de la démocratie par la ploutocratie, constituée en partie par les patrons des grandes sociétés du numérique, ainsi que l’avènement des cryptomonnaies pour s’affranchir de la « souveraineté monétaire étatique  et de son privilège d’émission», viennent parachever un mouvement déjà largement engagé antérieurement (depuis les années 80).

 

Nous pouvons constater que la prime évidente en politique, à la richesse, au sens du business (4), à la prise de parole décomplexée « en toute liberté » sur les réseaux sociaux (cf. article de Gilles Gautier sur le site de l’OVIPAL), la mise à distance de la vérité, de l’objectivité, de la cohérence, de la tolérance, de toute attention à une parole différente de celle de son groupe d’appartenance, viennent compléter la description de ce nouvel ordre politique cynique (Turchin 2024).

 

- La fonction publique (à travers les fonctions d’allocation, de redistribution et de stabilisation qui contribuent efficacement – au vu des comparaisons internationales - à renforcer les protections sociales et à réduire les inégalités), est décriée et appelée à s’effacer devant le marché (chaque fois que ce sera apparemment possible). Il s’agit d’une injonction qui est probablement insensée, mais qui est clairement revendiquée. Il est de bon ton aujourd’hui de la réitérée et de la décliner à tous les niveaux de responsabilité. Notamment dans un contexte de financiarisation internationale débridée, de dette insoutenable largement engendrée et instrumentalisée par les néolibéraux (l’interdiction pour les États de se refinancer auprès des banques centrales, le Pacte européen de stabilité, les agences de notation prétendument indépendantes, etc.) et d’apologie inconditionnelle de la privatisation. Bien que cette dernière soit encore limitée par les défaillances reconnues du marché (asymétries d’information, bien publics, externalités, etc.).

 

Depuis plus de 70 ans le discours économique néolibéral s’élabore patiemment. Il est désormais parfaitement rodé, entendu et relayé par les électeurs. Il demande aux États comme aux collectivités territoriales non seulement une cure budgétaire d’austérité mais surtout un effacement progressif et si possible définitif après une courte transition vers l’État plateforme bientôt relayé par une IA prétendument omnipotente et omnisciente. C’est évidemment un pari pascalien risqué mais il est assez largement admis dans une opinion séduite par les technologies.

 

La déflagration politique américaine, en s’affranchissant de tout recours à l’analyse rationnelle lui ouvre, à travers l’appel aux subjectivités et aux faits alternatifs, de nouvelles perspectives. En posant sur les réseaux sociaux la question : « - A quoi peuvent bien servir l’Etat centralisé, déconcentré et les collectivités territoriales décentralisées ? », il est très probable que la réponse dominante soit désormais : « - A rien ou - à nous compliquer l’existence avec des normes inutiles et à prélever sans réelle contrepartie sous la forme de services, des impôts confiscatoires.

 

Laissez-nous faire ou mieux encore, laissez-faire les NTIC et l’IA ». Seul l’État régalien avec ses fonctions de police et justice et sa capacité à imposer des solutions de marché, est en partie préservé pour le moment. C’est tout à fait injuste mais c’est ainsi. Les plaidoyers raisonnables favorables à un État social-écologique (Laurent 2024 ; Stiglitz 2025, en écho à La route de la servitude de Hayek, 1944), bien que fondés sur des raisonnements valables et des observations empiriques solides, ne pèsent pas bien lourd face aux projets de la Silicon Valley illustrés par les applications disséminées dans chaque portable (Sadin, 2018 & 2023). Les technologies ne sont jamais politiquement neutres. Encore moins l’IA qui sert de cheval de Troie pour l’entrée en politique des GAFAM, à une échelle mondiale. Un jour proche, les citoyens ne seront plus autorisés à débattre ni même à donner leur avis sur les substitutions opérées (le remplacement des services publics par l’IA) au prétexte d’une plus grande efficacité technique.

 

- Il en va de même avec le renoncement à l’écologie. Par un concours de circonstances assez extraordinaire, en dépit des innombrables travaux scientifiques appelant à une prise de conscience écologique et de préservation de l’habitabilité de la terre, à une bifurcation radicale des politiques et des modes de vie et de déplacement pour contenir les émissions de GES et limiter les atteintes à la biodiversité, réduire les pollutions ; en dépit des multiples catastrophes observées partout dans le monde et désormais objectivement imputables à l’anthropocène et au changement climatique, on voit se lever non pas une nouvelle forme de sagesse et d’éthique environnementale mais une sorte de déni institutionnalisé, doublé d’une forme d’hystérie productiviste et consumériste appelant à l’hyper-mobilité, à l’enrichissement illimité, à forer sans retenue, à dépenser, à braver les équilibres naturels au-delà même des limites planétaires (le fameux slogan  : « drill baby drill » illustre bien cet état d’esprit) C’est proprement irresponsable et consternant.

 

Les travaux les plus en pointe, de la biologie, de l’écologie (comme science), de l’anthropologie, de la socioéconomie écologique, nous mettent en garde contre le clivage occidental : nature / culture (humanité) qui nous fait percevoir à tort les énergies non-renouvelables et renouvelables, le sol, le sous-sol, l’atmosphère et le vivant comme de vastes réservoirs de ressources à notre seule disposition (pour la satisfaction des besoins économiques), plutôt que comme des situations d’interaction et d’interdépendance vitale avec la biosphère. Ces sciences nous rendent attentif au danger qui consisterait à n’appréhender les services écosystémiques des forêts, des lacs, des fleuves, des plantes, des non-humains, etc., que du point de vue de leur utilité économique et leur valeur monétaire.

 

Au moment même où l’économie politique et l’histoire prennent enfin conscience de l’ampleur de la dette écologique et des effets immanquablement destructeurs sur les équilibres terrestres, inhérents à toute production, à toute consommation, l’hystérie extractiviste, productiviste et consumériste affiche fièrement et résolument sa volonté de fermer les yeux et de surenchérir. Elle réduit d’autant la perspective d’un débat mondial lucide et l’adoption de résolutions consensuelles visant à engager une révision complète de nos systèmes productifs et consuméristes en faveur d’une éthique de la responsabilité et d’une bifurcation des systèmes économiques vers une plus grande sobriété (Aumercier 2019 ; Levrel & Missemer 2023).

 

- Il reste à dire quelques mots pour expliquer le stupéfiant renoncement que constitue l’abandon du droit des minorités à revendiquer une identité singulière, voire son refus absolu (sauf s’il s’agit d’affirmer la fierté de son appartenance à une nation puissante). De fait, le néolibéralisme libertarien américain n’a rien à voir avec le libéralisme classique qui encourageait l’affirmation des identités individuelles et tolérait les expériences singulières ne nuisant pas à autrui (Dufour, 1015). Il relève d’un libéralisme dit autoritaire (Chamayou 2018) qui, avec le soutien de l’État désormais au service des puissances économiques (Turchin 2024), restaure une morale coercitive et confie plus volontiers le droit d’expression aux agents économiques qu’aux représentants de la démocratie participative ou directe.

 

Il est aujourd’hui avéré et démontré que dans l’esprit des néolibéraux, la démocratie dans ses différents modes d’expression (collectifs comme marginaux-individuels) est susceptible de faire peser un risque sur le bon déroulement des affaires et de gripper les mécanismes de marché. Des règlements économiques encadrent fermement les pouvoirs politiques et des censures morales réapparaissent. Lorsque le système politique est subordonné aux mécanismes de marché, la démocratie n’est plus que formelle, ponctuelle et résiduelle (Fitoussi 2004).

 

Nous verrons ultérieurement quels sont les incidences probables de ces évolutions sur les modes de gouvernement centraux (aux niveaux européen et nationaux) et décentralisés (à l’échelle régional et locale).

 

René Kahn

ovipal

2 février 2025

 

(1) Nous pouvons définir ici le néolibéralisme comme le fait Wendy Brown dans son ouvrage : « Défaire le Dèmos » : « Une forme particulière de raison qui reconfigure tous les aspects de l’existence en termes économiques », p.17. Le néolibéralisme se distingue du libéralisme en ce qu’il met l’État et le droit au service de la généralisation de l’ordre marchant, de l’affaiblissement des régulations publiques et de la démocratie qui représentent de son point de vue une menace (interventionnisme, fiscalité, redistribution, égalitarisme, etc.), pour le bon fonctionnement de son modèle.

 

(2) Les paléoconservateurs et les mouvances conservatrices hétérogènes : le Klu Klux, Klan, le nativisme, l’America First Committe), la croisade anticommuniste et illibérale du sénateur républicain Joseph McCarthy.

 

(3) Une variante «  économie sociale de marché », autrement dit un marché concurrentiel accompagné d’institutions juridiques et politiques avec Walter Euken et Alfred Müller-Armack, d’institutions humanistes et sociales selon Alexander Rüstow, religieuses, conservatrices voire ultra-conservatrices avec Wilhelm Röpke. La filiation avec le néolibéralisme américain (Hayek, Friedman, école de Chicago, etc.) s’effectue via la Société du Mont Pélerin.

 

(4) Notamment sur des marchés de plateforme bifaces.

 

Bibliographie indicative

 

AUMERCIER Sandrine (2019), Tous écoresponsables ? Capitalisme vert et responsabilité inconsciente, Libre & Solidaire

BOMSEL Olivier (2023), Les damnés de la paix. L’ordre mondial après le siècle américain, PUF

BROWN Wendy (2018), Défaire le Dèmos. Le néolibéralisme, une révolution furtive, Amsterdam

CHAMAYOU Grégoire (2018), La société ingouvernable - Une généalogie du libéralisme autoritaire, La Fabrique

CORIAT Benjamin (2021), Le bien commun, Le climat et le marché, LLL

DUFOUR Dani-Robert (2015), L’individu qui vient … après le libéralisme, Gallimard

FITOUSSI Jean-Paul (2004), La démocratie et le marché, Grasset

ÉLOI Laurent (2024), Pour l’État social-écologique, LLL

HAYEK Friedrich August (2013), Droit, législation et liberté - Une nouvelle formulation des principes libéraux de justice et d'économie politique, PUF

HERAUD Jean-Alain & MULLER Emmanuel (2025), « Crise et résilience territoriale : Une approche par la prospective narrative » in La Lettre du Financier Territorial, n°405, Janvier

LEVREL Harold & MISSEMER Antoine (2023), L’économie face à la nature. De la prédation à la coévolution, Les Petits Matins

NORTH Douglass C. & al. (2010), Violence et ordres sociaux - Un cadre conceptuel pour interpréter l'histoire de l'humanité , Gallimard

RUIZ Jean-Marie & VAGNOUX Isabelle (2022), « Aux racines du « trumpisme » : un illibéralisme américain », in VINGTIÈME SIÈCLE. REVUE D’HISTOIRE, 153, Janvier-Mars, pp. 3-17.

SADIN Eric (2018), L’intelligence artificielle ou l’enjeu du Siècle. Anatomie d’un antihumanisme radical, L’Échappée

SADIN Eric (2023), La vie spectrale. Penser à l’ère du métavers et des IA génératives, Grasset

SLOBODIAN Quinn (2022), Les globalistes. Une histoire intellectuelle du néolibéralisme, Seuil

SLOBODIAN Quinn (2025), Le capitalisme de l’apocalypse. Ou le rêve d’un monde sans démocratie, Seuil

STIGLITZ Joseph E. (2025), Les routes de la liberté, LLL

TURCHIN Peter (2024), Le chaos qui vient. Élites, contre-élites et la voie de la désintégration politique, Le Cherche Midi

 

 



02/02/2025
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