. . . . OVIPAL - OBSERVATOIRE DE LA VIE POLITIQUE EN ALSACE . . . .

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Dépasser le "politiquement correct" dans l'analyse électorale

Le politologue est privé de deux outils essentiels : faire des statistiques et des enquêtes qui tiennent compte de l’histoire réelle des électeurs (autrement appelées « statistiques ethniques ») et présenter les résultats des élections sur les inscrits et non sur les votants. Seul un dépassement du « politiquement correct » dans l’analyse électorale permettra de meilleures analyses des évolutions en cours.

En démocratie, ce sont les électeurs qui décident du jeu politique.. Il est donc essentiel pour le politologue de comprendre, d’analyser, voire de prévoir, les « déterminants du vote », c’est à dire les raisons pour lesquelles les électeurs décident de s’abstenir, de choisir tel ou tel candidat, parti ou ligne politique et, éventuellement, d’en changer.

Très curieusement, deux des principaux outils qui permettent de comprendre ces raisons, sont aujourd’hui jugés « politiquement incorrect » et de ce fait sont très peu utilisés. Les résultats des élections sont donc souvent en partie opaques, faute de comprendre les déterminants du vote.

La question dites des « statistiques ethniques »

Le premier de ces outils serait l’enquête sur l’histoire et la biographie d’un électeur ou d’un groupe d’électeur donné. Cette biographie renvoie le plus souvent à son, ou ses, identités, à ses origines, au groupe culturel et linguistique auquel il appartient. Un électeur français, naturalisé depuis peu et ayant passé une partie de son enfance et de sa vie dans un autre univers culturel, éventuellement lointain, n’aura pas forcément le même comportement électoral qu’un autre électeur, dont la famille habite par exemple la Bretagne depuis plusieurs générations. Les chercheurs de l’ovipal ont rencontré deux fois cette question de l’enquête biographique lors de travaux d’analyse électorale précédents.

Une première fois il y a une dizaine d’année, alors que l’Alsace était stigmatisée par plusieurs médias nationaux du fait d’un comportement électoral très favorable au Front National (cas rare à l’époque), nous nous étions posés la question de savoir si, dans la région, les électeurs d’origine alsacienne étaient plus favorables à ce parti que d’autre électeurs.

Les alsaciens votent-ils plus pour le FN ?

Cela ne posait pourtant aucun problème sur le plan méthodologique (des questions comme « êtes-vous né en Alsace ? », « parlez-vous, comprenez-vous l’alsacien ? Vos parents, vos grands parents aussi ? etc) et le bénéfice en termes d’analyse électorale était important (comme aujourd’hui, la même question se pose sur le vote autonomiste : est-il uniquement le fait de français d’origine alsacienne ?).

Mais voilà le cadre législatif est très contraignant sur ce sujet. Il empêche théoriquement tout questionnaire de recherche de comporter les questions de ce type et la classant sur le registre des « statistiques ethniques ».

Les électeurs issus de l’immigration cessent-ils de voter pour le PS ?

Nous avons rencontré ce problème une deuxième fois aux élections municipales de 2014, au moment d’analyser le repli électoral important du parti socialiste à Strasbourg. Celui-ci était plus fort dans les quartiers populaires, notamment dans les bureaux de vote des quartiers où ont été concentrés une forte population, française ou étrangère, issue de l’immigration. Cela signifiait-il que les électeurs issus de l’immigration, probables soutiens traditionnels du PS, avaient massivement quitté le navire ? Ou ont-ils tendance à se replier, toutes sympathie confondues, pour différentes raisons, liés aussi à la situation internationale dans l’abstention ?

Nous avons passé outre les contraintes législatives notamment dans :

Les électeurs des quartiers populaires issus des milieux de l’immigration extra européenne, qui se sont massivement abstenus au premier tour, sont-ils retournés voter pour le PS au deuxième tour ?

 

Compte-t-on sur les votants ou sur les inscrits ?


Le deuxième outil et celui qui consiste à rapporter systématiquement les votes des électeurs non pas à la population de ceux qui se sont exprimés mais à l’ensemble des électeurs inscrits. Ici, ce n’est pas le cadre législatif  qui empêche le déploiement de telles statistiques, mais une sorte d’habitus généralisé conduisant à ce que celles-ci ne soient quasiment jamais utilisées. Il est même parfois jugé inconvenant pour un politologue à la radio ou sur un plateau de télévision, de rappeler que tel maire d’une grande ville a été élu, par exemple, avec seulement 20 % des électeurs inscrits.

On lui oppose alors au politologue que le Maire a une légitimité politique puisqu’il a été élu avec la majorité des électeurs qui se sont prononcés, et que cette légitimité dispense du rappel que le nombre d’électeurs réels qui se sont portés sur lui, est finalement assez faible. La disjonction entre légitimité politique et légitimité électorale est pourtant un problème qui prend de plus en plus d’importance au fur et à mesure que les taux de participation s’effritent.
 Présenter les résultats des voix exprimées pour tel ou tel parti sur le nombre des inscrits permet pourtant de mettre en évidence des phénomènes électoraux invisibles autrement, comme par exemple la relativisation de la progression du FN.

Dans le cas du FN, on se rend compte ainsi qu’en valeur absolue, malgré la progression foudroyante de ses pourcentages, les électeurs réels du Front National ne sont pas beaucoup plus nombreux d’une élection à l’autre.

20 % de vote pour le FN à une élection par exemple nationale peut correspondre au même nombre d’électeurs que 30 % de vote pour le FN à une élection locale où le taux d’abstention sera plus élevé. Les commentateurs concluront pourtant à une progression forte de ce vote. C’est ce qui s’est passé dans le cas de l’élection du Doubs ou selon l’analyse que nous faisons par ailleurs sur ce site, les électeurs du Front National n’ont pas augmenté numériquement.

Petite démonstration dans le cas, par exemple, d’un territoire donné comportant  10 000 électeurs :

Lors d’une élection (par exemple présidentielle) où le taux de participation est de 80 %, 8000 électeurs votent.
Si 20 % des votants se prononcent en faveur du FN, cela fait 1600 électeurs FN.

Lors d’une autre élection (par exemple départementale) dans le même territoire où le taux de participation tombe à 40 %, 4000 électeurs votent.
Si 40 % de ces votants se prononcent en faveur du FN, cela fait toujours 1600 électeurs FN.

Le pourcentage sur les votants en faveur du FN double (il passe de 20% à 40%) alors qu’il n’y a pas de progression en nombre d’électeurs réels !

L’usage du pourcentage sur les inscrits est plus fiable pour faire des comparaisons d’une élection à l’autre : dans la première élection le vote FN est de 16 %. Il est toujours de 16 % dans la deuxième.

Ce qui a changé, par contre, c’est que les électeurs des autres partis se sont beaucoup plus abstenus.


Les arguments faibles du « politiquement correct statistique »

Dans le premier cas celui des statistiques ethniques, on oppose l’argument que l’électeur est une sorte d’être universel, uniforme, et que toute mention de son histoire et de son origine est une violation du « principe d’égalité », voire une « discrimination ( !).

On suppose aussi que les déterminants de son vote relèvent de l’exercice d’une raison universelle et non de son histoire, de sa biographie, ou de ses particularités culturelles. L’argument, on le voit, est assez abstrait car il ne correspond pas à la réalité de la richesse des individus et, surtout, il ne permet pas de comprendre pour quelles raisons il agit dans un sens ou dans un autre sur le plan électoral.

Dans le deuxième cas, celui qui consiste finalement à ne pas tenir compte de l’abstention, pourtant de plus en plus massive, l’argument est celui de la légitimité politique de l’élu qui dépendrait uniquement de la majorité obtenue sur l’ensemble des votes exprimés. On voit bien que cet argument est de plus en plus irréaliste. Il vaut pour les élections ou il y a 80 % de participation, ll ne vaut plus par exemple dans le cas des cantonales ou cette participation sera à peine supérieure, dans le meilleur des cas, à 40 %. Quelle peut être en effet, dans le cas de triangulaire,  la légitimité politique d’un élu qui ne représente que 15 % de l’électorat réel ?



18/03/2015
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