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La casserole, où quand le bruit remplace la parole

La cuisine, et tout ce qui s'y rapporte, joue parfois un rôle important dans le débat politique. La casserole a une longue histoire, mais le principe n'a pas changé depuis son invention. C'est d'abord un contenant, un récipient, ouvert ou fermé. Mais il a aussi d'autres usages. La casserole fait une bonne arme dans la guerre des ménages. Elle l'est aussi dans manifestation politique. Mais le bruit, ne l'oublions pas, risque de rendre sourd, mais sourd, au fond, chacun l'est déjà, dans ce moment démocratique singulier que traverse la France, où chacun n'entend plus ce que l'autre ont à dire.

 

La cuisine, et tout ce qui s'y rapporte, joue parfois un rôle important dans le débat politique. Le terme « tambouille » sert à désigner des manœuvres peu élégantes, quand on ne parle pas directement de « cuisine politique », sans compter ceux qui traînent des casseroles derrière eux. Le restaurant est un haut lieu de négociation, là où se font et se défont les notoriétés, les alliances improbables, les cabinets ministériels. C'est aussi la cible des manifestants quand un dirigeant ou un président y a son rond de serviette.

 

La réputation de tel ministre, François de Rugy en l'occurence, a littéralement sombré, en 2019, car on l'avait vu manger du homard, plat qu'en démocratie on ne peut décidément manger qu'en cachette. On se souvient que la pauvre Marie-Antoinette avait déclenché la colère du peuple parisien en lâchant publiquement son inénarrable « s'ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche ».

 

La cuisine est un invariant anthropologique. Homo sapiens se distingue des autres animaux, notamment parce qu'il fait cuire sa viande. Le premier espace distinct de l'endroit où l'on dort est probablement, dans la hutte ou la grotte, l'endroit où l'on fait la cuisine, et le repas est depuis toujours l'occasion de rites sociaux complexes.

 

Pour cuire sa viande, ses légumes, et parfois son ennemi, dans des sociétés longtemps restées anthropophages, il faut bien sûr du feu, mais surtout des récipients, poteries ou, après l'invention du fer, les casseroles en tout genre. Vous me voyez venir n'est-ce pas ?

 

La casserole a une longue histoire, mais le principe n'a pas changé depuis son invention. C'est d'abord un contenant, un récipient, ouvert ou fermé. Mais il a aussi d'autres usages. Comme toute invention humaine depuis le silex taillé, cet outil culinaire peut servir à cuire, mais aussi à frapper. On ne compte pas le nombre d'histoires où la ménagère en colère se sert de son ustensile de cuisine pour mettre en fuite un agresseur potentiel ou porter des coups à un mari indélicat. La casserole fait une bonne arme dans la guerre des ménages.

 

Elle l'est aussi dans la guerre sociale, notamment en Amérique latine qui s'est fait une spécialité de l'usage de la casserole dans les manifestations politiques. On s'en sert pour manifester contre la vie chère, la corruption, les tentations autoritaires. Ce que l'on appelle les « cacerolazos » reste l'emblème des protestations par exemple au Chili, lors des manifestations étudiantes de 2010, ou celles de 2019, contre les inégalités sociales et le coût élevé de la vie.

 

C'est le symbole fort, pour ceux qui l'utilisent, qu'ils ont été touchés au cœur même de ce qui est le plus fondamental, de plus anthropologiquement profond, la nourriture et la socialité qui l'entoure. C'est aussi un symbole bruyant et efficace pour se faire entendre à distance. Là où la poterie du néolithique n'avait que peu de chance de remplir cet usage, la casserole en fer, inventée dit-on par les Romains, a des qualités sonores indiscutables.

 

Le Président français et son gouvernement en font actuellement les frais. Les cacerolazos sont devenues des « casserolades », rassemblement bruyant de personnes manifestant leur mécontentement en frappant sur des casseroles ou sa version plate, la poele. Cela pose un sérieux problèmes aux Préfets en charge du maintien de l'ordre, lors de visites présidentielles ou ministérielles. La distance à laquelle ils doivent tenir les manifestants, se mesure désormais en termes de décibels, afin que les oreilles de nos dirigeants ne soient pas écorchées par cet enthousiasme sonore.

 

Car le bruit, ne l'oublions pas, risque de rendre sourd, ce qui est un risque non négligeable de cette forme originale de manifestation. Mais sourd, au fond, chacun l'est déjà, dans ce moment démocratique singulier que traverse la France, où chacun n'entend plus ce que l'autre a à dire. Les casseroles ne sont pas le seul symptôme que le bruit, aujourd'hui, a décidément remplacé la parole.

 

Philippe Breton

ovipal

25 mai 2023

 

 

 

 



25/05/2023
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