. . . . OVIPAL - OBSERVATOIRE DE LA VIE POLITIQUE EN ALSACE . . . .

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Quels enjeux électoraux pour les habitant-e-s de Schiltigheim : part belle au « béton » ou éloge des « Espaces Verts » … ?

André Siegfried, pionnier des sciences politiques en France, avait su montrer l’existence de catégories clivantes pour caractériser le vote des individus. Son travail électoral sur la France de l’Ouest avait pu mettre en évidence, d’un côté un « électorat du granit » qui votait à droite et un « électorat du calcaire » qui votait à gauche (« Tableau politique de la France de l’ouest sous la IIIe République », 1913). Il avait affiné son modèle, trop articulé sur la géographie physique, en l’enrichissant d'une variable relative au régime foncier et à la religion : les petits exploitants votant à gauche et les grands propriétaires terriens à droite ; pour la religion, les électeurs catholiques se retrouvaient majoritairement à droite, alors qu'ils choisissaient la gauche dans les régions où le christianisme était en déclin. 

 

Les prochaines élections municipales de Schiltigheim des 8 et 15 avril prochains pourraient apporter quelques éléments d’informations supplémentaires pour la sociologie électorale au regard du critère de « cadre de vie ». Le véritable enjeu électoral pour Schiltigheim se jouera-t-il principalement entre les électeurs faisant l’éloge des « espaces verts » et en face ceux faisant la part belle au « béton ». Sur les 6 listes qui sont se sont déclarées, seule « Pour Schilick Continuons », celle de l’actuel Maire M. Jean-Marie KUTNER, entend poursuivre sa politique d’urbanisation intensive. Face à cette politique, tous ses opposants sont unanimes quelle que soit leur affichage politique : « Mettre fin au béton », « stopper cette folle bétonisation », « une ville verte qui respire » etc ….      

 

En effet l’enjeu du « cadre de vie » est devenu une question de société en France. Ce n’est plus un sujet uniquement défendu par les partis écologistes ; il est revendiqué -voire accaparé- par tous les partis traditionnels qui n’oublient plus de l’inscrire dans leurs programmes et discours. L’éco-citoyenneté paraîtrait même faire figure de ‘‘bien commun’’ pour redéfinir la citoyenneté avec les outils de la démocratie participative.

 

A l’évidence la place de cet enjeu est loin d’être négligeable à Schiltigheim pour cette campagne électorale. Mais sera-t-il pour autant aussi central dans les choix électoraux ? Fera-t-il apparaître des clivages selon le type d’habitat (maison individuelle versus grands ensembles) ou bien selon l’âge « jeunes et personnes âgées »? Un clair-obscur entoure cette question. Si les thèmes liés à l’écologie infusent dans le débat public, l’écologie politique peine toujours autant aujourd’hui. Elle reste toujours objet de divisions, notamment sur des sujets sensibles. L’enjeu de rénovation urbaine pourra-t-il néanmoins constituer, à lui seul, l’enjeu déterminant autour duquel se jouera principalement cette élection partielle à Schiltigheim ?

 

La thématique urbaine a été affichée comme étant le prétexte majeur ayant entraîné la sécession du principal allié du Maire, Christian BALL (LR).  Or il faut rappeler que cette désunion au sein de la majorité municipale a d’abord été précipitée par une gestion trop autoritaire des délégations en matière de politique municipale, motif essentiel avancé par Christian BALL, ce qui avait mis le feu aux poudres et entraîné sa démission. Pour mémoire, pendant près de 3 ans, l’ancien premier adjoint n’avait pas déjugé les choix d’urbanisation fait par son allié, M. KUTNER (UDI).

 

Les enjeux multiples autour de la rénovation urbaine

 

La lecture des slogans de la campagne électorale semblerait confirmer cette hypothèse : les 5 listes d’opposition invitent tou-te-s les Schilickois-e-s à se rendre aux urnes pour sanctionner le Maire sur cette question et des multiples enjeux qu’elle comporte.

 

L’enjeu du TRAM et des MOBILITES

 

Mais nous pouvons d’ores et déjà constater une profonde divergence sur la question de l’aménagement urbain en qui concerne la politique des transports en commun. Pour mémoire voté en conseil de CUS en 2013, le projet de TRAM avait été abandonné en 2014 par l’équipe KUTNER-BALL.

 

La reprise de ce projet sur Schiltigheim-Ouest semble très nettement mettre à jour une frontière entre les listes de « Gauche » et les « Verts » d’un côté et les listes classées à « droite » de l’autre (UDI et LR) ; le premier groupe invite explicitement à réinscrire le tram ainsi que les mobilités douces ( les pistes cyclables) dans l’agenda du travail municipal ; le deuxième groupe reste très discret, voire muet (J-M. KUTNER) sur cette thématique. Un clivage politique Gauche / les Verts face à la Droite est nettement identifiable. Les listes de Droite préfèrent évoquer la gestion des places de stationnement, notamment dans les quartiers du centre.

 

L’enjeu de la SURDENSIFICATION

 

La question de la « surdensification » des sites à reconvertir avec des créations d’immeubles de logements sur les sites : 700 sur Fischer, 450 sur Istra, 200 sur Caddie…   semblerait déterminante. Les schilikois vivent déjà dans une ville très fortement urbanisée avec peu d’espaces de respiration et près d’un tiers de logements sociaux. Là aussi le clivage réapparaît : la Gauche /les Verts demandent un arrêt ou une limitation très forte face à cette « surdensification » ; la Droite, Christian BALL propose seulement de « rendre la parole aux Schilickois ». Quant à M. Jean-Marie KUTNER il persiste et signe en poursuivant la politique entreprise de sur-urbanisation de la cité.

 

N’oublions pas que le développement de Schilick a toujours été étroitement confrontée à cette densification avec l’arrivée de nouveaux habitants : déjà à la fin du XIVème siècle, c’est la venue des habitants d’Adelshoffen chassés de la banlieue de Strasbourg, et qui trouvèrent refuge au bas du village, qui annonce la croissance de la Ville, aux XVIIIème et XIXème siècles l’arrivée des populations alsaciennes et immigrées renforce le développement de la cité grâce à l’industrie de la bière.

 

Les enjeux SOCIAUX et IDENTITAIRES

 

« Le brassage est une richesse », tel était le slogan publicitaire d’une entreprise brassicole dont nous ne citerons pas le nom. Cette idée de brassage correspond bien au passé et au développement de la Ville de Schiltigheim qui s’est justement construite et enrichie par l’apport de ses différentes populations.

 

Aujourd’hui la Ville tend plutôt à accueillir des habitants qui cherchent à habiter près de Strasbourg et qui peuvent trouver soit des loyers moins chers ou peu chers (comme dans les quartiers de grands ensembles), soit des conditions de vie plus agréables qu’en ville en accédant à la propriété. Cela produit des tensions : au regard du seuil de pauvreté en termes de revenus, Schiltigheim (comme Bischheim) atteint des taux de pauvreté records de 20 %. Cela ne va sans pas générer des décalages sociaux, culturels, économiques, voire identitaires. Mais ce qui se joue aussi autour de ces nombreux projets d’urbanisme en tout genre comme celui de la « réalisation concrète de la médiathèque » ou celle des « multiples friches industrielles » que comptent la Ville repose certes la question du développement économique, culturel et environnemental, … mais également celle de la démocratie locale et participative.

 

Les enjeux de PARTICIPATION POLITIQUE et CITOYENNE

 

Là encore le clivage renvoie aux frontières de la politique traditionnelle : Gauche / les Verts qui privilégient la participation et le débat des citoyens (le programme de la liste PS-PC menée par Nathalie JAMPOC est assez exemplaire en ce sens) face à la Droite qui favorise l’expertise et la concertation des citoyens sans remettre en cause le modèle dominant du chef de parti. Jean-Marie KUTNER a su profiter de ce positionnement pour se montrer politiquement en qualité de chef et « leader » fort en affirmant que Schiltigheim ne plierait pas devant l’Eurométropole au sujet du projet de Complexe cinématographique.

 

Schiltigheim est la deuxième ville de l’Eurométropole (en population ; 3ème ville du département) et à ce titre occupe une place déterminante dans la définition et les décisions prises pour l’Eurométropole. Nous assistons actuellement à un bras de fer entre M. Jean-Marie KUTNER face à la Ville de Strasbourg et à l’Eurométropole autour du projet d’implantation d’un méga cinéma sur l’ancien site de la Brasserie Fischer.

 

KUTNER en médiatisant ainsi principalement autour de ce projet ne fait-il pas à la fois figure de grand défenseur pour sa ville et d’aménageur en matière d’urbanisme, alors que hormis peut-être pour ce complexe cinématographie, tous les autres projets d’urbanisme qu’il porte, nous l’avons dit tout au long de cet article, sont unanimement critiqués par toutes les autres forces politiques, sans exception.

 

Est-il vraiment concevable et souhaitable, surtout en matière d’aménagement du territoire ou dans d’autres domaines de la politique Schilickoise, de jouer Schiltigheim contre la Ville de Strasbourg et l’Eurométropole ? De rassembler et de faire vraiment un consensus dans une ville qui souffre plus que jamais de ses divisions en favorisant la posture du « Chef » face aux promoteurs de la démocratie participative et du cadre de vie ? La réponse sera dans les urnes les 8 et 15 avril prochains.

 

 

Pascal Politanski, chroniqueur à l’Ovipal

31 mars 2018

 

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02/04/2018
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