Démission de Jean Rottner…un pas vers la sortie du Grand Est ?
Pour les partisans de la sortie de l’Alsace du Grand Est, l’année 2022 semble avoir été une année fructueuse. Elle avait commencé avec les résultats de la consultation en ligne organisée par le Président de la collectivité européenne d’Alsace (la CEA), Frédéric Bierry. Malgré la faible participation à cette consultation (près de 12 % des inscrits), les partisans de la sortie du Grand Est ont préféré retenir l’ampleur du vote Oui (plus de 90 % en faveur de la sortie).
Et puis il y avait eu, à partir du mois de juin, les nombreux dépôts de propositions de loi de la part de parlementaires en faveur de la reconstitution d’une région Alsace, en dehors du grand est :
Une proposition de loi déposée le 22 juin 2022 par les députés LR Patrick Hetzel et Raphaël Schellenberger
Une proposition de loi déposée le 2 novembre 2022 par plusieurs dizaines de députés RN, à l’initiative de Laurent Jacobelli, député de la Moselle et ex tête de liste du RN pour le Grand Est aux régionales de 2021.
Et enfin une proposition de loi déposée le 14 décembre 2022 par 10 députés alsaciens de la majorité présidentielle (Renaissance), avec notamment Charles Sitzenstuhl et Hubert Ott.
Certes, le chemin est long entre le dépôt d’une proposition de loi et son adoption. Il faut d’abord que la proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour de l’une des deux assemblées - Assemblée nationale ou Sénat - ce qui peut prendre du temps. A la différence des projets de loi qui émanent du gouvernement, les propositions de loi ne sont pas prioritaires. Et certaines propositions de loi ne sont jamais inscrites à l’ordre du jour. Il faut ensuite que la proposition de loi, pour être adoptée, recueille la majorité des votes à l’Assemblée nationale et au Sénat. Et il n’est pas certain du tout qu’à l’heure actuelle, une majorité de parlementaires en France soit favorable à la sortie de l’Alsace du Grand Est. En fait, même s’ils n’aboutissent pas forcément, le principal intérêt de ce grand nombre de dépôts de propositions de loi est de montrer que la question alsacienne reste posée.
Et enfin, l’année se termine avec la démission surprise du président du Grand-Est, Jean Rottner, le 20 décembre. « Noël avant l’heure » écrivait Unser Land dans un communiqué de presse. Peu importe que cette démission n’ait sans doute aucun rapport avec le fonctionnement du Grand-Est. Le fait que son président, celui qui l’incarnait le mieux, démissionne, apparait comme un signe du destin. Et le fait que cette démission s’ajoute à celle du président précédent, Philippe Richert, il y a 5 ans, semble prouver, aux yeux de ses détracteurs, que cette région « mal-née » ne peut pas fonctionner.
Au-delà de ce sentiment, forcément transitoire, selon lequel, avec la démission de Jean Rottner, le Grand-Est aurait été décapité, la fin de la présidence Rottner aura sans doute pour effet d’éloigner encore un peu plus l’Alsace du Grand-Est dans la mesure où le futur président ne sera sans doute pas un Alsacien. Avec Philippe Richert et Jean Rottner, le Grand-Est apparaissait certes comme un objet politique non identifié, mais leurs présidents étaient identifiés comme des hommes politiques de la région, au sens de la région Alsace.
Avec un Grand Est dirigé par Franck Leroy, le nouveau président, pour l’instant par intérim, et par ailleurs maire d’Epernay, la perspective apparaitra de façon tout à fait différente. Et il en irait de même avec tout président du Grand-est originaire de Lorraine ou de Champagne-Ardenne.
D’un certain point de vue, les choses seront plus claires. On aura d’un côté le personnel politique alsacien - les parlementaires ainsi que les élus à la collectivité européenne d’Alsace – opposés au Grand-Est dans leur très grande majorité et demandant le statut de région pour l’Alsace et de l’autre côté les dirigeants du Grand-Est, originaires de Lorraine et de Champagne-Ardenne, et défendant le Grand-Est.
Il n’est évidemment pas possible de savoir si la démission de Jean Rottner constitue le début de la fin du Grand-Est. Mais elle aura pour effet d’accentuer le divorce moral entre l’Alsace et le Grand-Est.
Bernard Schwengler
Ovipal
22 décembre 2022
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