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L'abstention n'existe pas

L'abstention n'existe pas

 

Ce qu'il faut entendre par là, c'est qu'il n'y a pas un seul motif d'abstention. A partir de là, tout propos général sur l' « abstention » ou « les » abstentionnistes, qui enfermerait tout dans une même catégorie, risque de passer à côté de l'essentiel : les motifs d'abstention sont divers, et ils se cumulent, pour, parfois, culminer comme c'est le cas aux élections de juin 2021.

 

Et, pour être tout à fait complet, il faudrait aussi parler du vote blanc et nul, non négligeable quand, cumulés, ils atteignent jusqu'à 15% des inscrits.

 

 

Les deux France

 

 

D'abord, on peut constater, assez simplement, que le corps électoral est clairement scindé en deux, entre ceux qui votent et ceux qui ne votent pas, avec une zone tampon, ceux qui votent, mais pour aucun candidat (blanc ou nul).

 

Ceux qui votent sont connus et ils forment un ensemble assez homogène sociologiquement, au delà de leurs choix politiques. Les votants sont ceux qui payent des impôts, qui sont plus diplômés, plus aisés, plus âgés, qui lisent le journal et regardent la télévision et qui sont... les plus vaccinés contre la covid. Bref, nous sommes de ce point de vue revenus au suffrage censitaire du XIXème siècle, où le corps électoral n'était formé que de ceux qui payaient des impôts (le cens).

 

A cette catégorie se sont ajoutés, dans une constante progression, les électeurs stables du FN puis du RN (un tiers environ de l'électorat global, au plus fort étiage)*. Ces électeurs stables, qui maintiennent leur vote d'élection en élection, sont eux aussi issus en grande partie des classes moyennes et supérieures. Ils forment le « noyau dur » de la sphère de la « droite radicale » (celle qui rêve maintenant de Zemmour). Les autres électeurs du FN et du RN appartiennent, eux, à une autre catégorie, celle des abstentionnistes qui, de temps en temps, votent pour cette formation.

 

Les votants ont en commun un intérêt (dans tous les sens du terme) à la chose publique et ils utilisent les mêmes canaux d'information et d'expression.

 

Qu'ont en commun ceux qui ne votent pas ? Pas grand chose, car leurs motivations sont assez hétérogènes. C'est dans ce sens que l'abstention n'existe pas, comme catégorie unique. Dans un premier débroussaillage, on distinguera au moins quatre catégories, sans grand rapport entre elles :

 

 

Les pêcheurs à la ligne

 

Le noyau dur de ceux que le vote ne concerne jamais, les fameux « pêcheurs à la ligne ». Loin du monde politique, souvent loin du monde lui-même, ils avouent sans fard « ne pas s'intéresser à la politique ». Ils sont doucement anarchistes et beaucoup individualistes. On serait tenté de dire que leur nombre est assez constant et qu'ils existent de tout temps. Ils n'ennuient personne et ne revendiquent rien, sinon la paix et l'oubli.

 

Les jeunes des mondes parallèles

 

Ceux qui, souvent jeunes, utilisent d'autres canaux d'information et de communication que les votants : ils ne regardent pas la télévision, ne lisent pas les journaux, n'ont que peu de culture, scolaire ou autre, sur des sujets de société. Ils communiquent beaucoup, via différents moyens électroniques, mais ils s'informent peu. Dans les enquêtes ils déclarent ne pas savoir qu'il y a des élections, ni quand et ni connaître de toute façon aucun candidat, pas plus que les modes de scrutin. L'isoloir et l'urne dans une salle de vote où tout le monde se synchronise le même jour leur paraît du même ordre que la redingote et le chapeau haut de forme, une sorte de vieux film en noir et blanc. Bref, ils vivent dans un monde parallèle, où tout est donné et rien n'est construit. Parfois, maintenant, ils votent « écolo », parce que c'est le plus proche de leur assiette.

 

Les sécessionnistes

 

Il y a aussi, dans une catégorie croissante en nombre, ceux que dans les colonnes de l'ovipal, nous avons appelé très tôt, les sécessionnistes. Leur motivation est empreinte de défiance envers les institutions, toutes les institutions (médias, enseignants, magistrats, députés et sénateurs, médecins). Ils ont rejoint les gilets jaunes et ont une faiblesse pour les complotistes. Absolument sans idéologie, sans être tout à fait apolitiques, ils n'hésitent pas à voter parfois, mais à s'abstenir souvent.

 

Quand ils votent, c'est le candidat qui s'inscrit le plus en rupture du « système », celui qui pourfend les « élites ». Donc une fois, voire d'un tour du même scrutin à l'autre, ils votent FN (souvent), Mélanchon (parfois), Philippot (nouveau venu). Il y a beaucoup de jeunes ouvriers dans leurs rangs et leur sociologie est plutôt celle des classes populaires péri urbaines et rurales. Leur nombre s'est fortement accru ces 20 dernières années. Avant ils votaient, maintenant ils sont déçus et rêvent de démocratie directe et de RIC (référendum d'initiative citoyenne). De leur vote dépend en partie le destin électoral du RN.

 

 

Les électeurs issus de l'immigration

 

N'oublions pas, dans ce vaste tableau sociologique, une dernière catégorie, et non des moindres malgré son émergence récente, celle des électeurs « issus de l'immigration », déjà analysée dans nos colonnes. Ces électeurs s'abstiennent massivement**. Il y a ici conjugaison entre deux phénomènes. Le premier est la difficulté d'intégration par acculturation, difficulté que les optimistes espèrent transitoires, d'une partie de ces populations, encore attachées à leurs culture d'origine, sans véritable tradition démocratique, et qui ne voient pas beaucoup de raisons d'y renoncer. Ils sont même parfois encouragés dans cette sécession, au nom de l'apologie de leur différence. La deuxième est le refus d'intégration, sur une base communautaire, souvent lié à l'Islam pour qui, et pas que dans ses versions radicales, le vote et la représentation sont haram, c'est à dire juste diaboliques.

 

Le jeu et la convergence objective de ces quatre catégories expliquent sans doute la dynamique de l'abstention selon les scrutins. Les régionales et départementales de 2021 ont vu les rangs de ces quatre catégories grossir presque jusqu'à la limite possible. D'autant que la zone intermédiaire entre les votants et les non-votants (blancs et nuls) a elle aussi pris du poids.

 

On arrive donc aux situations extrêmes que l'on sait, où l'on voit la participation tomber à 8% dans certains bureaux de vote. Cet étiage proche de l'assèchement pur et simple, devrait être, en toute logique démocratique, un motif d'annulation des élections correspondantes, mais il ne semble pas gêner les « vainqueurs », qui sabrent le champagne et proclament leur triomphe, parce qu'élus avec un bien illusoire … 53%, qui ne représentent que 6 % des inscrits (bureaux de vote 303 et 318), ou, tout au fond de la cale électorale, qui ne représentent que 4 % des inscrits (bureau de vote 620).

 

 

Philippe Breton

ovipal

1 juillet 2021 - modifié le 4 juillet

 

 

* Sur la composition de l'électorat du RN, on remarquera que :

 

  • Au deuxième tour des cantonales de 2015, le FN obtient dans le Bas-Rhin 95 611 voix

  • Au deuxième tour des présidentielles de 2017, le FN obtient dans le Bas-Rhin 193 788 voix

  • Au deuxième tour des cantonales de 2021, le RN obtient dans le Bas-Rhin 68 642 voix

 

On peut considérer que l'on est proche, à ces dernières élections, du « noyau dur » du RN. Entre les présidentielles et ces départementales, 125 146 voix ont basculé pour l'essentiel dans l'abstention. Ceci nous permet de faire l'hypothèse grossière que le réservoir de voix du RN est composé pour un tiers d'un noyau dur et pour deux tiers d'abstentionnistes « flottants ».

 

 

** Par exemple, aux départementales de juin 2021, deuxième tour, les 3 cantons de Strasbourg qui s'abstiennent le plus sont les cantons ouest (2 et 3), où les électeurs issus de l'immigration sont les plus nombreux. Dans le canton 3 (Hautepierre), seuls 19 % des inscrits se sont prononcés pou rl'un ou l'autre des candidats.

Voir également  : https://www.ovipal.com/la-poursuite-de-l-abstention-des-electeurs-issus-de-l-immigration-va-t-elle-peser-lourdement-sur-les-elections-municipales-de-2020

 

 

 

 

 

 

 



01/07/2021
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