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Le double « fardeau »de l’étiquette LaREM : « label » présidentiel et « machine » à recyclage politique traditionnel

 

Sur le plan politique, les villes du grand quart Nord-Est sont à l’image de celles des autres régions de France. Lorsque que des candidats ont été soutenus par LaREM, très peu d’entre-eux ont pu recueillir des scores honorables. Seulement quelques rares villes -souvent petites ou de taille moyenne- se détachent du lot comme, par exemple, Marly (10 000 habitants) ou Forbach (20 000 habitants) en Moselle, villes où la notoriété locale des candidats aura permis de tirer leur épingle du jeu, avec un score électoral honnête … en dépit de l’étiquette LaREM.

 

LaREM, une étiquette devenue fardeau, mais qui représente un « label » présidentiel

Le problème politique des ces élections municipales pour les listes LaREM (qu’elles soient officielles ou dissidentes) réside dans le portage de l'étiquette « En Marche ». Le plus grand nombre de listes LREM ont été éliminées dès le 1er tour n’ayant recueilli que des scores « symboliques » voire ridicules, en moyenne compris entre 3 et 10 % : citons Troyes (5%), Dijon (9%), Reims (3%), Colmar (6%) ... pour ne citer que quelques villes importantes et métropoles du quart Nord-Est, se revendiquer de LaREM est un handicap relié à l’image présidentielle. Seule exception dans le paysage français, Strasbourg, ou le maire sortant et son 1er adjoint - Alain Fontanel - avaient très tôt opéré leur virage en direction du ‘‘macronisme’’ montrant que leurs attaches social-démocrates, loin d’être socialistes, étaient plus néo-libérales que sociales.

 

Dans les villes petites ou de taille moyenne, certains candidats étiquetés LaREM obtiennent une réélection, soit à la tête d’une municipalité (c’est le cas du Maire déjà sortant Jean-Lucien Netzer à Bischwiller) ou au sein d’un Conseil Municipal : c’est le cas de Christophe Meyer (déjà conseiller municipal à Cernay et conseiller communautaire à la communauté de communes de Thann-Cernay) qui continue à toujours siéger dans l’opposition au Conseil Municipal. Dans ces deux derniers cas évoqués (Bischwiller ou Cernay), les élus n’étaient pas inscrits dans une formation politique traditionnelle ; LaREM leur a donné l’opportunité de se prévaloir d’un label politique dont ils étaient démunis…

LaREM cherche ainsi à établir un ancrage territorial qui lui manquait, mais qui lui manquera encore longtemps.

 

Cette forme de légitimité politique pour ces élections municipales reproduit un mécanisme identique de rapprochement avec ce qu’il est convenu d’appeler « la société civile », à l’oeuvre lors des Législatives de 2017 mais bien repérable dès les années 1970 dans la vie politique française (1): sur les 526 candidats à la députation en 2017, il y avait 242 candidats dits non affiliés (sans étiquette) bien que certains soient déjà actifs dans un « sillage » politique … sans être forcément inscrits dans une formation politique.

 

Nous l’avons dit, ce nouveau personnel politique a offert à LaREM la possibilité de revendiquer ses attaches avec la « société civile » même si aujourd’hui cela génère de multiples tiraillements au sein du groupe parlementaire présidentiel. Ce mouvement de proximité avec la société venait aussi accréditer l’idée que LaREM était une une formation politique totalement nouvelle se distanciant des vieilles pratiques politiques françaises, contrebalançant le poids d’un État trop fort, et l’influence des partis politiques traditionnels trop accaparants … face à une société civile jugée trop faible (2). Le scrutin municipal est venu trancher par rapport à cette mystification de la place de la société civile en politique.

 

Aux yeux de l’opinion publique les constats à tirer sont simples : LaREM n’est plus qu’un parti de centre-droite et/ou de droite ; l’aura de départ un peu floutée de l’irruption de cette force politique, accréditant l’idée d’une façon radicalement nouvelle de faire de la politique a fait long feu en 3 petites années à peine.

 

La constitution de LaREM s’est détachée des références du cadre historique national. L’historien et politologue René Rémond avait établi sa fameuse typologie de la droite française en trois familles héritées des conflits du XIXe siècle toutes opposées à la souveraineté populaire, lui préférant le principe d'une conception de la souveraineté incarnée dans un homme. LaREM s’inscrit bel et bien dans ce courant. Cependant ces droites françaises se disputaient sur l’homme qui devait l’incarner : un Bourbon pour les «légitimistes», un Orléans pour les «orléanistes», un Bonaparte pour les bonapartistes. Avec, en arrière plan, trois cultures, trois conceptions différentes du régime et de la société. Le système de références d’Emmanuel Macron ne se concentre que sur les dimensions managériales et ultra-libérales ce qui tend à montrer que la construction politique de sa formation ne s’inscrit plus dans un cadre historique national.

 

Nous avons été les témoins du recyclage politique pratiqué par LaREM autour cette conception ultra-libérale de l’économie et de la société. Cela explique que cette formation ait pu attirer très tôt les personnes de droite qui peuvent se prétendre de gauche. Le recyclage devrait dès lors s’intensifier pour les prochaines élections du côté des familles et courants politiques de droite au sein de la société française. LaREM s’y emploie activement en ayant très tôt, élargi, ouvertement et franchement, la brèche ultra-libérale au sein de la société française.

 

Pascal POLITANSKI

Diplômé de l’IEP Strasbourg

OVIPAL, le 25 juin 2020

 

 

Notes :

En 1974, le président Valéry Giscard d’Estaing fait nommer dans le gouvernement de son 1er Ministre des personnes issues de la société civile, comme Simone Veil à la Santé ou René Haby à l'Éducation nationale. Sur le plan politique, les références à la société civile sont liées à aux décennies 1970-1980, avec les réflexions sociologiques développées par Alain Touraine ou Edgar Morin ou avec les prises de position d’hommes politiques, tels que Michel Rocard, qui ne valorisent pas le rôle de l'État mais s'intéressent bien plus aux mouvements sociaux ( féminisme, auto-organisation de la société, etc) … au risque de laisser ouvert le champ aux doctrines néo-libérales souhaitant réduire le rôle de l’État à la portion congrue.

Une typologie des Etats, analysés dans le dernier quart du XXe siècle, au regard de la notion de « société civile » est excellemment décrite par Bertrand Badie et Pierre Birnbaum dans leur ouvrage « Sociologie de l’État » (Grasset, 1979).

« La Droite en France de 1815 à nos jours : continuité et diversité d'une tradition politique » (Aubier Montaigne, 1954) ; « Les Droites en France », (Aubier Montaigne, 1982).

 

 



25/06/2020
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