Le mode de scrutin spécifique des élections législatives en France conduit-il à l'abstention, à la frustration et à la violence politique ?
L'assemblée nationale est composée des représentants du peuple. Elle est supposée être représentative des différentes tendances de l'opinion. Ces élections sont censées fournir aux électeurs une représentation de leurs idéaux, de leurs souhaits et de leurs choix politiques.
Ce n'est visiblement pas le cas. Le choix du « scrutin majoritaire uninominal à deux tours », pure montage électoral en réponse aux excès supposés du scrutin proportionnel, introduit une déformation majeure entre les résultats en voix et les résultats en siège.
De nombreux électeurs, voyant ainsi que leurs voix sont sans effet sur le scrutin, ne se sentent plus représentés et boudent l'élection. Lorsque l'on parle sans être écouté, cela conduit soit à la défection, soit à la violence. Cette vieille règle de psychologie s'applique aussi au monde politique.
L'abstention frappe en premier les électeurs les partis qui subissent le plus ce décalage entre les voix et les sièges. Ce sont par exemple les électeurs du RN, mais aussi ceux de la France Insoumise, qui font le plus défection aux législatives, en grande partie en fonction d'une anticipation de la sous-représentation de ces partis à l'Assemblée, quelque soit leur force électorale réelle.
Le système est donc profondément injuste et conduit à des frustrations bien légitimes. Il y a pourtant des alternatives à ce système électoral. Ainsi, la Grande-Bretagne et le Canada, par exemple, élisent leurs députés dans un scrutin à un tour, où le candidat qui a le plus de voix l'emporte. Tout simplement.
Regardons par curiosité quel serait le résultat des élections dans le Bas-Rhin, si nous bénéficiions d'un tel système électoral, avec un scrutin majoritaire à un tour (un seul tour – celui qui a le plus de voix l'emporte).
Partons des présidentielles, où l'on voit clairement que sur les neuf circonscriptions du département, Mélanchon est arrivé en tête dans deux d'entre elles (la 1ère et la 2ème), Le Pen dans deux circonscriptions, la 7ème et la 8ème) et Macron dans les cinq autres circonscriptions.
Résultats des principaux candidats à l'élection présidentielle de 2022, par circonscription, dans le Bas-Rhin
Le résultat des présidentielles n'est pas totalement transposable dans les législatives, mais quand même, nous avons là une indication précieuse. Dans un scrutin majoritaire à un tour, les électeurs du RN par exemple, seraient presque assurés d'avoir deux députés dans le Bas-Rhin, sinon plus.
L'anticipation du fait qu'ils n'auront pas de député, quelque soit leur vote, n'est sans doute pas la seule raison pour laquelle les électeurs du RN par exemple, votent beaucoup moins aux législatives qu'aux présidentielles, mais il est clair que c'est un facteur non négligeable.
Le sentiment de ne pas être représenté, même quand on fait un score majoritaire aux Présidentielles dans une circonscription, peut faire perdre toute confiance dans la démocratie.
Faire reculer l'abstention, et, en arrière-plan, la frustration et la tentation de la violence politique, passerait peut-être par la mise en place un système de représentation plus juste.
Philippe Breton
ovipal
30 mai 2022
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