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Les alliances municipales à Strasbourg et à Mulhouse, comprendre les décalages entre arithmétique et dynamique politique

 

Le second tour des Municipales a offert pour les deux métropoles alsaciennes, l’occasion d’analyser les comportements électoraux suite aux alliances réalisées. Nous connaissons désormais les résultats. L’arithmétique des alliances n’est efficace que lorsqu’elle fait converger un projet qui corresponde aux intérêts réels et partagés des habitants. La dynamique politique ne doit jamais être négligée, car les aspirations exprimées autour d’un projet municipal sont déterminantes : la demande de renouvellement autour de l’écologie et du social sont aujourd’hui très « clivantes ».

 

Comprendre le sens de la dynamique du projet politique

 

A Mulhouse, comme pour Strasbourg, le projet municipal a été interrogé lors du 1er tour par une aspiration écologiste articulée à une demande sociale, portée essentiellement par les classes moyennes urbaines et une petite partie des couches populaires « intégrées ». Les analyses du scrutin par bureau de vote permettront prochainement de comprendre le jeu des transferts mais elles viendront surtout confirmer ce marqueur sociologique venu conforter les aspirations citoyennes de ces catégories d’habitants ayant permis de placer le projet politique des Verts (et ses alliés de Gauche) en tête à Strasbourg et en 2ème place à Mulhouse.

 

L’on retrouve ainsi dans les deux grandes métropoles urbaines alsaciennes un même souhait et une même volonté politique affirmée pour que le cadre et les conditions de vie puissent être améliorés, pour offrir aux habitants des moments de transitions bien vécus au regard des temps contraints, pour apporter un partage des droits (culturels, sociaux, d’accès aux structures…) ainsi qu’une mutualisation des services et des biens, tout en contribuant à la ré-insertion des populations fragilisées et marginalisées.

 

La liste des demandes des habitants pour un « projet municipal social-écologiste » était clairement repérable

 

Préserver et partager le patrimoine, renforcer le réseau de transport, créer des emplois et services à la population, améliorer le cadre de vie en ré-attirant les commerces dans certains quartiers, reloger dignement et améliorer les relations avec les bailleurs sociaux, résorber les logements vacants soutenir l’insertion des jeunes et la tranquillité, appliquer une politique accueillante et solidaire, favorable à la mixité sociale et de genre, produire local pour des emplois et une économie durable, préserver les espaces de nature … tout cela était explicitement porté et médiatisé par le projet politique des Verts (et ses alliés de Gauche) à Strasbourg, comme à Mulhouse.

 

En finir avec les pseudo « mesurettes » teintées d’écologie et de social

 

Les résultats de ces élections municipales de 2020 expliquent finalement qu’il ne s’agit plus dans les grandes villes de privilégier la circulation financière et économique et de garantir au mieux la valeur patrimoniale, de favoriser les interactions d’affaires à travers les grands chantiers ainsi que la rentabilisation immobilière pour les élites et les plus favorisés ; l’alternative se situe dans des choix permettant d’articuler la demande sociale portée par les classes moyennes -et les milieux populaires qui ne sont pas déclassés et encore délaissés- aux projets urbains et écologiques qui émergent en termes de développement durable pour la Cité.

 

Tel est la ligne de partage … « L’ air du temps » politique semble montrer que le moment d’articuler le social et l’écologie est vraiment arrivé et qu’il ne s’agit pas de faire semblant avec un saupoudrage de « mesurettes » teintées d’écologie et de social.

 

Des politiques urbaines aux tendances ouvertement contradictoires

 

Finalement cette situation politique divisée autour de l’écologie, permet de constater que les politiques urbaines des « Villes Moyennes et Grandes » sont aujourd’hui tiraillées entre des tendances ouvertement contradictoires alors qu’en France comme ailleurs en Europe, les responsables de nombreuses villes affichent -au moins dans les discours- leur volonté de proposer un modèle urbain plus équilibré, tant sur le plan social qu’écologique. On est pourtant en droit de s’interroger.

 

Dans le jeu du marché et de la compétition, ces villes se retrouvent dans des situations de concurrence et de déséquilibre. Or la logique à l’oeuvre au sein des grandes métropoles réside dans le fait que nombre d’élus s’interdisent de se permettre une hiérarchisation des attentes, des besoins et surtout des contraintes et préfèrent cumuler alors fonctions économiques lourdes et innovantes, disponibilité constante des ressources … tout en affichant une volonté de préservation du "cadre de vie"… mais pour certains habitants seulement ! L’ensemble de ces optiques sont nécessairement contradictoires…

 

L’heure des choix est venu se poser au moment des élections municipales. Les élections municipales ont ainsi constitué une occasion démocratique privilégiée à l’échelle « locale » pour un « redressement », une ré-orientation politique (pour 6 ans au moins).

 

Une convergence de facteurs multiples inscrits dans les territoires

 

Pour conclure, la géographie électorale nous éclaire sur ces choix qui permettent de faire émerger un projet politique en adéquation avec les habitants ; il convient de bien considérer : la part de l’espace, du territoire, des influences centre-périphérie, des demandes des quartiers, du rayonnement et des retombées politiques d'une ville…sur ses marges et ses périphéries, la part des effets de « voisinage » etc… Les facteurs sont donc multiples. Il faut être en mesure d’être à leur écoute et de les intégrer dans un projet (1).

 

Si nous savons finalement qu’il faut considérer le choix électoral comme le fruit de multiples effets, difficilement hiérarchisables, nous savons que aussi que le poids de la structure sociale écrase et masque le plus souvent l'ensemble des autres. Mais cela n’est pas systématique. Le vote reste quoi qu’il en soit l’outil politique qui permet de trancher et de valider un projet et qui ne peut être l’instrument d’une simple reproduction des intérêts politiques et sociaux à l’échelle communale et de ses territoires (1).

 

Ce second tour des élections municipales de 2020 nous l’a confirmé et il nous a donné l’occasion de mieux comprendre ces tensions entre logique arithmétique et dynamiques politiques qui se sont jouées dans les urnes dans un contexte sociétal où articuler l’urbain aux questions sociales et écologiques est devenu une question fondamentale.

 

Pascal POLITANSKI

5 juillet 2020

OVIPAL

 

(1) : Michel Bussi, « Eléments de géographie électorale, à travers l’exemple de la France de l’Ouest »

Publications de l’Université de Rouen, Rouen, 1998.

 

 



05/07/2020
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