Les conséquences électorales en Alsace de l'affaiblissement de la stratégie du « Front républicain »
La question de ce que l'on appelle la stratégie de « Front républicain » risque d'être au centre des prochaines élections législatives. Dans la mesure où des élections anticipées sont possibles, voire probables, cette question mérite réflexion. D'autant qu'en Alsace, cette stratégie a eu des conséquences très importantes sur le déroulement des dernières élections.
La stratégie du Front républicain consiste à voter (en principe au deuxième tour) pour le candidat le mieux placé, quelque soit le désaccord idéologique et politique que l'on peut avoir avec lui, avec comme objectif de faire battre le candidat RN (ou zémourien si cela se présente), perçu comme « en dehors de l'arc républicain ».
Cette stratégie est depuis longtemps à l'origine d'une déformation de la représentation nationale. C'est le cas particulièrement en Alsace, où le RN ne dispose que d'une seul député là où, sans le Front républicain, il aurait pu espérer en avoir 4 ou 5, ce parti étant de loin la formation majoritaire en Alsace.
Une stratégie à bout de souffle
Cette stratégie, inaugurée par le Parti socialiste à l'époque de Mitterrand, semble toutefois connaître aujourd'hui de sérieuses limites. Elle pourrait même être, d'une certaine façon, à bout de souffle. Et cela pour plusieurs raisons de fond.
Citons-en quelques unes. Le RN n'est plus autant perçu comme « en dehors de l'arc républicain ». Beaucoup d'électeurs sont maintenant en désaccord avec le fait de devoir voter pour un candidat qui leur déplait, au nom de cette stratégie. On avait vu des électeurs LR au premier tour voter pour LFI au second et réciproquement. Ils le faisaient jusqu'à présent avec des pincettes et un certain sentiment de malaise. Ils risquent tout simplement de ne plus le faire, quitte à voter blanc ou à s'abstenir.
Le fait que LFI soit de plus en plus perçu comme de faisant pas partie, lui, de l'arc républicain, compte-tenu de ses positions radicales et des relents d'antisémitisme qui l'accompagnent, pourrait bien aussi bouleverser en profondeur la stratégie du Front républicain. Aujourd'hui, des personnalités aussi différentes que l'économiste libéral Alain Minc, ou l'essayiste Alain Finkielkraut, ne font pas mystère publiquement du fait qu'entre Le Pen et Mélenchon, dans un duel de deuxième tour, ils voteraient pour Le Pen (ou Bardella). C'est le cas de nombreux électeurs, y compris de gauche.
L'expérience centriste du « en même temps » ayant échouée aux yeux d'une large partie de l'opinion, le vote des anciens électeurs de cette tendance risque lui aussi d'échapper à cette stratégie.
Des sondages sans équivoque
Les derniers sondages sont parfaitement clairs sur ce sujet. Une étude effectuée par Odoxa-Backbone pour Le Figaro, réalisée les 1er et 2 octobre 2025 fait apparaître que 50 % des répondants seraient prêts à faire un « Front républicain » pour empêcher Mélenchon de parvenir au pouvoir s'il était présent au deuxième tour des présidentielles. Le chiffre n'est que de 45 % pour faire barrage à Le Pen ou Bardella. Parmi les répondants qui ont fait barrage au RN par le passé, 3 sur 10 ne le referaient plus. C'est sans doute le signe d'une tendance qui s'installe.
Le fait que LFI semble s'enfermer chaque jour un peu plus dans la radicalité, là où le RN joue une petite musique d'ouverture (comme dans le cas des postes à responsabilité à l'Assemblée nationale) pourrait renforcer cette tendance, dans un contexte où le RN reste à 35 % des intentions de vote, là où LFI plafonne à 15 %.
Cette tendance est toutefois soumise au jeu des alliances entre PS, écologistes et LFI. Les alliances électorales, notamment entre le PS et LFI, redonnant à ce dernier une légitimité républicaine qu'il n'a pas quand il va seul au combat électoral et qu'il y déchaine toute sa radicalité.
Mais cette donnée joue moins en Alsace, où le PS a toujours occupé une position plus proche du centre gauche que de l'extrême gauche. Une absence d'alliance ou une alliance du bout des doigts aux prochaines législatives entre PS et LFI, accentuerait l'affaiblissement de cette stratégie de Front républicain dirigée contre le RN.
Dans ce cas le nombre de députés RN élus en Alsace se rapprocherait plus de sa réalité électorale, contribuant ainsi à l'élargissement de son socle au niveau national.
Philippe Breton
ovipal
5 octobre 2025
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