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Quels débouchés électoraux pour le mouvement des gilets jaunes ?

Beaucoup se demandent aujourd’hui, non seulement ce qui va advenir du mouvement dit des gilets jaunes, mais plus globalement de la situation sociale et politique du pays dans les semaines et les mois à venir.

 

On peut répondre à cette interrogation à deux niveaux. Le premier niveau et celui du mouvement des gilets jaunes lui-même. La réponse est claire : nul ne sait comment les choses vont évoluer de ce point de vue. Le paradigme explicatif actuel de la radicalisation d’une minorité n’est pas entièrement satisfaisant pour décrire un mouvement qui reste très ancré dans les profondeurs du pays. On évitera donc tous risques de prévision dans ce domaine, tout en tenant compte malgré tout de la tendance actuelle qui est celle d’une montée de la violence (phénomène d’ailleurs antérieur au mouvement des Gilets jaunes)

 

Mais il y a un deuxième niveau, plus classique, où l’on peut risquer quelques hypothèses, celui des effets politiques électoraux de cette crise en profondeur que nous traversons. À moins d’une improbable révolution et d’une prise du Château qui bousculeraient totalement le processus électoral, des élections vont bien avoir lieu et vont même se succéder, la première ayant lieu, on le sait, au moment des élections européennes.

 

Si tant est qu’il y ait un minimum d’homogénéité sociologique de ceux qu’on appelle les gilets jaunes, on peut s’interroger sur le comportement électoral passé des populations particulières qui le composent, notamment dans le monde péri urbain.

 

De ce point de vue nous disposons de quelques éléments. Les enquêtes que nous avions menées dans le cadre de l’ovipal, à l’époque pour mieux comprendre le vote pour le Front National, nous donnent quelques indications. L’hypothèse, que nous avions vérifiée sur des échantillons hélas trop petits faute de moyens, est qu’une grande majorité de ces populations - qu’à l’époque nous avions qualifié de « sécessionnistes », belle anticipation du phénomène des Gilets jaunes - se caractérise par un comportement électoral oscillant, marqué par l’abstention à de nombreuses élections, et, à d’autres élections, par des votes plutôt extrêmes, mais non idéologiques, pour le Front National ou des mouvements d’extrême-gauche.

 

Ces résultats nous montrent que, sauf un noyau sans doute radical et stable, il n’y a pas d’abstentionnistes sur la longue durée. Il y a bien des personnes qui souvent s’abstiennent, mais, de temps en temps, qui votent pour les extrêmes notamment lors d’élections présidentielles ou à l’occasion de coups de colère ponctuels.

 

Ce comportement est intéressant à observer car il signifie, par exemple, que d’élections en élections, ce ne sont pas les mêmes qui votent pour le Front National, puisque celui qui vote pour le Front National à une élection donnée se sera abstenu dans plusieurs autres élections. Nous avions même montré que l’abstention, c’est-à-dire le maintien ou la sortie de l’abstention, était un déterminant majeur d’une élection.

 

La conclusion que l’on peut tirer de ces analyses est par exemple que si tous les électeurs qui ont voté au moins une fois Front National « décidaient » de tous voter à une élection donnée, le score du Rassemblement National serait très important. Le score des partis d’extrême gauche, aujourd’hui pratiquement réduit à la France insoumise ne serait pas négligeable non plus.

 

Jusqu’à présent, le Rassemblement National, de l’avis de la plupart des observateurs politiques, joue assez finement, montrant un soutien aux Gilets jaunes, clair mais sans lourdeur, condamnant par ailleurs les excès violents du mouvement. Ce soutien habile est de nature, le moment venu, à transformer la colère populaire en vote pour ses listes.

 

La question qui est posée à partir de là, est celle de savoir si, aux élections européennes de mai prochain, le mouvement populaire des gilets jaunes ne va être un transformateur d’abstentionnistes en votes extrêmes, essentiellement pour le RN.

 

L’inverse doit aussi être envisagé. Le comportement de sécession sociale témoigné par les gilets jaunes avec constance peut aussi déboucher sur une abstention massive, notamment pour des élections qui auraient pour enjeu l’Europe, vidant ainsi encore plus de son sens le processus démocratique électoral. Comme on ne distingue guère pour l’instant d’autres options, l’avenir nous dira laquelle des deux l’emportera.

 

Philippe Breton

Ovipal

11 janvier 2018

 



11/01/2019
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