Sans une réelle représentativité de ses élus, la Collectivité européenne d'Alsace ne décollera pas
La Collectivité Européenne d'Alsace, malgré la faible portée de ses compétences réelles, n'en représente pas moins un enjeu symbolique majeur pour l'Alsace. Sa capacité à être une étape vers une future Région où la culture, l'identité se superposent avec les pouvoirs administratifs et politiques, va dépendre de la représentativité effective des nouveaux « conseillers d'Alsace ».
Deux variables vont fortement influencer cette représentativité : d'une part le vote et le nombre d'élus pour le Rassemblement national, d'autre part le taux d'abstention aux élections départementales de juin prochain.
Si l'on regarde les élections départementales de 2015, on constate que le FN, à l'époque, avait fait un score non négligeable : 75 391 voix dans le 68, et 95 611 voix dans le 67, soit respectivement 35% et 29 % des exprimés. Malgré ce score, le FN n'avait eu aucun élu. A titre de comparaison, le PS avait eu 8 sièges, rien que dans le Bas-Rhin, avec à peine 9 % des exprimés.
La dynamique politique nationale pour le RN est pour l'instant constante sinon plus forte qu'en 2015. Ce parti peut aussi espérer capitaliser un peu sur la crise des gilets jaunes. Il est possible que ce parti obtienne enfin des sièges à la CEA, ce qui, sur un strict plan électoral, ne serait que justice. Or, malgré certaines nuances récentes du RN sur la question alsacienne, ses dirigeants restent hostiles à une revendication identitaire alsacienne, perçue comme antagoniste avec le nationalisme de leur idéologie. La présence d'élus RN à la CEA serait autant de moins pour une affirmation de l'Alsace comme Région.
Une abstention catastrophique
Une forte abstention possible en juin contribuerait aussi à une faiblesse de la représentativité des élus qui se revendiqueraient, derrière la bannière du Président actuel de la CEA, d'une affirmation alsacienne. En 2015 cette abstention avait été catastrophique : seuls 4 électeurs sur 10 s'étaient rendus aux urnes.
La nouvelle Collectivité d'Alsace n'a semble-t-il pas une image très nette dans l'esprit de l'électorat alsacien, qui a bien du mal à la situer dans l'habituel mille-feuille constitué par l'assemblage Mairie/communauté de communes/département/Collectivité européenne/région/Etat. Rien en tout cas, qui, en ce début de campagne électorale, ne viendrait provoquer un sursaut de mobilisation électorale ou un élan populaire.
Un taux d'abstention similaire à celui de 2025, couplé à un score maintenu du RN, conduirait mécaniquement à ce que l'ensemble des nouveaux « conseillers d'Alsace » (hors RN), toutes tendances confondues, ne représentent qu'à peine 25 % des inscrits. En termes de représentativité, on fait mieux... Ce qui était à peine acceptable pour de simples élections départementales, ne l'est plus du tout pour que la CEA puisse porter un projet populaire de retour à une Région Alsace, sous quelque forme que ce soit.
A cela il faut ajouter que les deux challengers pour la tête de la Région (Jean Rottner et Brigitte Klinkert) sont eux aussi alsaciens, et en délicatesse avec la CEA. Le Parti autonomiste Unserland a peut-être quelque chance de peser dans la balance, mais la radicalité de ses positions autonomistes risque d'en faire un allié bien inconfortable pour le nouvel exécutif de la CEA.
L'affaire est donc mal partie pour la dynamique qu'espèrent insuffler les actuels dirigeants de la CEA. A moins, à moins, qu'ils ne regagnent un terrain suffisant sur le plan de leur représentativité, c'est à dire qu'ils mobilisent toute leur énergie pour faire reculer l'abstention. Ce qui serait une bonne nouvelle pour la démocratie.
Philippe Breton
ovipal
6 mai 2021
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