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Une vieille règle à ne pas transgresser quand on veut gagner à droite : « A propos dur, ton doux »

Une vieille règle à ne pas transgresser quand on veut gagner à droite :

« A propos dur, ton doux »

 

 

L'art de parler, en politique ou ailleurs, connaît plusieurs règles d'or. Ne pas les observer, par méconnaissance ou par négligence, conduit, dans à peu près tous les cas, à de grandes difficultés, sinon à l'échec pour celui qui veut convaincre. Par exemple, lorsque, après avoir eu un échange argumenté, entre gens de bonne compagnie, on finit par convaincre un auditoire d'une thèse qu'on lui proposait et à laquelle il s'opposait, il est radicalement contre-productif de se vanter auprès de lui de l'avoir persuadé. Le « tu vois j'ai fini par te convaincre » risque fort de provoquer un retournement de situation et de faire revenir l'intéressé sur son changement d'opinion.

 

 

 

La campagne actuelle pour les présidentielles est intéressante à observer, au regard d'une autre vieille règle de rhétorique classique, toujours implicitement en usage, même si elle est enfouie dans un implicite peu conscient de lui-même. Cette règle énonce que, lorsque l'on tient un propos dur, clivant, radical, en rupture, il ne faut surtout pas, pour le tenir, adopter un ton du même registre. La règle à ne pas transgresser est : à propos dur, ton doux.

 

 

 

On imagine très bien pourquoi. Un propos dur est déjà difficile à entendre. S'il est énoncé durement, cela risque d'être insupportable et donc inacceptable. On risque le rejet total.

 

 

 

Comment, de ce point de vue, se comportent, notamment à droite, les candidats à la présidentielle ? Examinons le comportement, de ce point de vue, des trois principaux challengers, Valérie Pécresse, Eric Zemmour, Marine le Pen.

 

 

 

Pécresse : « propos pseudo-dur, ton dur »

 

 

 

Valérie Pécresse adopte un ton dur lors de la plupart de ses interventions. Peu de sourires, intonations cassantes, tonalités parfois méprisantes ou hautaines. Ses propositions politiques, concurrence à droite oblige, se présentent plutôt comme celles d'une droite dure, sans concession, face à un macronisme présenté comme plutôt inconsistant.

 

 

 

La candidate des Républicains offre donc, en apparence, tous les signes d'une rupture de la règle rhétorique « propos dur, ton doux ». Il lui est cependant fortement contesté, à droite, sa sincérité dans sa dureté. On lui rappelle volontiers que sur certains points essentiels, comme l'immigration ou le rapport à l'Islam, elle a adopté dans le passé lointain ou proche, des propos plutôt conciliants. Ce qui la fait basculer dans une équation peu favorable « propos pseudo-dur, ton dur ». Dans ce cas, le ton paraît sans objet, donc matrice d'une « posture », ou de ce qu'on appelait dans le temps, de l'hypocrisie.

 

 

 

 

 

 

Zemmour : « propos dur, ton dur »

 

 

 

Eric Zemmour, quant lui, ne souffre d'aucune équivoque de ce point de vue : propos dur, ton dur. Il a inauguré une variante de ce principe dans son annonce de candidature : « propos dur, ton sinistre ». Osons l'hypothèse que c'est là un des principaux obstacles au déploiement de ses thèses dans l'opinion publique. Le ton dur implique une absence d'empathie. Celle-ci est pourtant de mise pour rééquilibrer des propos qui, autrement, apparaitraient comme globalement trop violents. En clair, si l'on veut convaincre que l'immigration n'est pas souhaitable, mieux vaut ne pas avoir l'air de s'en prendre aux immigrés eux-mêmes (ce que certains des soutiens du candidat prennent visiblement au pied de la lettre) et mieux vaut savoir manifester à leur égard un peu d'empathie. On peut être contre l'immigration (propos durs) tout en le disant doucement et sans rancoeur.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Pen : « propos dur, ton doux »

 

 

 

Marine le Pen semble avoir trouvé, au regard de cette règle implicite de rhétorique politique, une attitude particulièrement équilibrée, assez surprenante au regard de sa personnalité. Elle adopte quasi systématiquement, sans faute et avec un certain naturel, l'équation « propos dur, ton doux ». Cela ne lui réussit pas si mal, même si le ton doux lui a fait perdre, provisoirement, quelques électeurs qui préfèrent le ton dur, et tendent ainsi l'oreille à Eric Zemmour, ou qui préfèrent des propos plus doux, que Pécresse cache dans son giron. Pour un peu, Marine le Pen passerait pour une « bonne mère » de la nation, là où l'un fait un peu trop père fouettard, et l'autre marâtre hypocrite.

 

 

 

 

 

 

 

Les sondages actuels semblent montrer que les électeurs aiment que l'on observe la règle du contraste entre le propos et le ton avec lequel on l'exprime : Marine Le Pen est en tête, tandis qu'Eric Zemmour semble avoir provisoirement épuisé son capital de nouveauté. Quant à Valérie Pécresse, celle-ci semble avoir du mal à convaincre qu'elle a bien la dureté de propos que son ton semble pourtant annoncer.

 

 

 

Si chacun des candidats continue à décliner son équation actuelle, il y a fort à parier que Marine Le Pen tirera les marrons du feu de l'observation bien pesée d'une règle qui faisait déjà les rois, si l'on peut dire, dans l'Antiquité.

 

Philippe Breton

ovipal

17 janvier 2022

 



17/01/2022
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