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Au delà des élections européennes : les deux erreurs historiques du Président Macron

Quoique l’on pense de la justesse ou de la légitimité de sa politique, force est de constater, au vu du résultat de ces élections, qu’Emmanuel Macron a commis deux erreurs stratégiques majeures. L’une va affecter de façon durable son image et sa capacité d’action, l’autre concerne la France et ses grands équilibres politiques, qui s’en trouvent considérablement modifiés.

La première erreur concerne le fait que le Président de la République se soit mis systématiquement en avant tout au long de la campagne électorale, et de façon croissante. Aucun de ses prédécesseurs n’auraient commis une telle bévue, aux conséquences gravissimes. Tout homme politique sait bien l’intérêt, en démocratie, de ne pas concentrer toute l’attention sur soi, faute de quoi le moindre revers lui est immédiatement attribué.

La personnalisation du pouvoir ne vaut que si l’on dispose de moyens de coercition physique sur la population, ce qui est le propre des dictatures. En démocratie ce n’est évidemment pas le cas, car le système représentatif et le fonctionnement des institutions permet une responsabilité plus collective, donc plus diluée.

Cette réalité politique était devenue en France une sorte de coutume institutionnelle, dispensant le Président de la République d’intervenir dans les campagnes électorales en cours de mandat, surtout quand le résultat en était incertain. Sa volonté de destituer le « vieux monde », a conduit Emmanuel Macron à cette grande naïveté politique qui l’a conduit à s’exposer, et à perdre, là où il aurait pu se préserver des coups.

Ce qui apparaîtra peut-être aux yeux de l’Histoire comme une forme suprême d’immaturité politique, peut-être liée à la croyance libérale qu’un pays doit être gouverné par un PDG seul responsable de ses actes, lui a fait perdre dans l’immédiat une marge de manœuvre déjà très diminuée.

La deuxième erreur stratégique commise par Emmanuel Macron est l’angle choisi pour cette campagne électorale, toute entière prisonnière de l’alternative « moi ou le Rassemblement National ». Cette ultime et mortifère déclinaison de la vieille stratégie Mitterrandienne, qui, à l’époque, a littéralement fait renaître le FN pour détruire la droite républicaine, est une faute qui concerne l’avenir du pays, au delà de la personne du Président ou de l’avenir, peu assuré, de son mouvement, En Marche, aujourd’hui en arrêt.

Le vote pour le Rassemblement National a ainsi été promu, par le Président lui-même, comme le « vote utile » pour tout ceux, nombreux, qui voulaient, au delà des enjeux européens, lui exprimer son hostilité. Quelle erreur ! Marine Le Pen n’en demandait pas tant et a pris le cadeau avec gourmandise.

Grâce à ce positionnement, son parti a pu, d’une part, mobiliser, mieux que les autres, les abstentionnistes, et, d’autre part, siphonner les voix, non seulement de ses concurrents au sein de la droite radicale (Dupont-Aignan, la frange dure des Républicains) mais aussi de la gauche populiste. Selon une étude Odoxa réalisée pour le Figaro et France info, parue le 17 mai dernier, 40% de l’électorat de la France Insoumise, déclarait avoir « une bonne opinion sur le Rassemblement National ». C’était comme on dit, un « signal fort » de ce qui était en train de se passer, la déflation du vote pour la France insoumise étant probablement liée à la fuite de cadres, et d’électeurs de ce parti vers le RN. C’est la première fois dans son histoire que le FN/RN accède au rôle enviable de parti du vote utile. La conséquence concrète de ce changement majeur est de le propulser sur la route du pouvoir.

L’Histoire regardera peut-être ces deux erreurs stratégiques, produit d’un mélange d’Hubris et d’immaturité (les deux vont souvent ensemble, et leur mélange est toujours mortifère), bien au delà d’une élection qui aurait pu être simplement ratée, comme la source d’un tournant bien incertain de notre vie politique.

 

Philippe Breton

ovipal

26 mai 2019

 



26/05/2019
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