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Canicules et récits médiatiques

La canicule, chacun s'en souvient, a fait l'actualité pendant pratiquement tout l'été. Journées étouffantes, nuits pénibles, activités ralenties, soif, sécheresse, incendies. Une chaleur, en résumé, très anxiogène, comme un feu intérieur que l'on serait impuissant à éteindre.

 

Elle a fait émerger en nous un désir de fraicheur et d'humidité inédit, dans un pays dont le tropisme a toujours été descendant, nous faisant voir le midi comme le paradis du soleil, et le nord comme l'enfer de la froidure. Nous sous sommes vu rêvant, non pas de se faire dorer au soleil, mais plutôt de se frotter contre un glacier nordique. Finie notre crainte des hivers rudes et de notre peur que l'été ne soit pas assez chaud.

 

Facteur d'anxiété supplémentaire : on nous a présenté cette canicule comme « inédite » « exceptionnelle », « jamais vue », prolégomènes d'une nouvelle apocalypse. Comme si une autorisation générale avait été délivrée d'utiliser tous les superlatifs disponibles. Les médias, qui ont besoin, pour capter notre attention de tout transformer en nouveauté, en ont rajouté une importante couche. La réalité de la canicule a été entourée d'un récit médiatique qui, comme dans bien d'autres domaines, fait démarrer l'Histoire au présent, par choix, inculture ou idéologie

 

Pourtant, si l'on veut bien se pencher, un instant, sur les chroniques du passé, les canicules sont un phénomène récurrent très ancien. Le fait que le mot « canicule » vienne du latin devrait nous mettre la puce à l'oreille. Canicule vient de canicula qui signifie « petite chienne ». C'est le nom de l'étoile Sirius, qui brille particulièrement en juillet aout.

 

En somme, depuis qu'il y a des étés, il y a probabilité de chaleurs excessives, nommées canicules.

 

Les canicules font partie de l'histoire de France. Notre pays a connu, pour ne prendre que la période écoulés depuis celle de 1636, sept canicules particulièrement meurtrières. Elle avait jusqu'à tué plusieurs rois de France : Louis VI le Gros, Louis VIII, Saint Louis, Philippe V...

 

La caractéristique des grandes canicules du passé, à la différence de celles d'aujourd'hui, est leur caractère tragiquement meurtrier. Comme le rappelle l'historien Julien Colliat, dans l'excellente revue en ligne Hérodote.net,

 

1636 : 500 000 morts dans une France qui comporte 3 fois moins d'habitants qu'aujourd'hui.

1705 : dans le midi, les thermomètres se brisent du fait de la dilatation du liquide, de nouveau 500 000 morts,

1718 et 1719, un climat saharien s’abat sur la région parisienne avec l’invasion de nuées de sauterelles en provenance d’Afrique du Nord qui ravagent les cultures jusqu’en Normandie, on compte 700 000 morts.

 

Arrêtons là cette litanie, qui s'égrène jusqu'en 1911 et 2003. La mortalité est due essentiellement à la dysenterie et frappe des générations de nourrissons. Outre la déshydratation, l'eau stagnante dans les puits à sec, seule source d'eau à l'époque, à la campagne comme à la ville, est à l'origine de ces maladies de la sécheresse. Nous ne mesurons pas à quel point avoir de l'eau au robinet est un bonheur, d'ailleurs assez mal partagé sur la planète.

 

Finalement, cet été, même s'il fut pénible pour chacun d'entre nous, et désastreux pour les cultures et les forêts, ne fut pas, contrairement au récit médiatique, un des pires de notre histoire, loin s'en faut. Et son caractère caniculaire n'est pas véritablement une nouveauté, même si les dérèglements climatiques en cours ont pu apporter une touche particulière à des phénomènes météorologiques, qui, pour le meilleur et pour le pire, accompagnent l'espèce humaine tout au long de sa route.

 

 

Philippe Breton

ovipal

16 septembre 2022

 

 

 

 



16/09/2022
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