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L'extension du domaine du racisme selon Madame Rama Yade

 

 

Madame Rama Yade, ancienne ministre de la République, et maintenant exilée aux Etats-Unis, a beaucoup fait parler d'elle ces derniers temps pour avoir déclaré se sentir « micro-agressée » lorsqu'elle passe devant une statue de Colbert.

 

Le débat a alors fait rage entre les tenants du « wokisme », prompts à déboulonner les statues d'Hommes-blancs-esclavagistes, et les partisans d'un nationalisme qui devrait assumer le passé au prétexte qu'être français de souche sanctifie tout. On laissera les deux tendances danser ensemble leur tango radicaliste.

 

La question est plutôt que si chacun, demain, demande que soit retiré de l'espace public tout ce qui constitue à ses yeux une « micro-agression », on ne va pas s'en sortir. Pour les uns ce sera les femmes jolies, mais dénudées qui peuplent régulièrement les panneaux publicitaires, pour les autres les laideurs architecturales qui défigurent souvent les centre-villes. Pour les uns ce sera les véhicules diesels, dont la perpétuation nous conduirait à l'abîme, pour les autres les trottinettes sur les trottoirs, qui traitent les vieux comme des quilles qu'on s'amuse à contourner. Les micro-agressions ne manquent pas. Vivre ensemble c'est aussi accepter ce qui nous déplait chez les autres. On vit en société et pas dans son monde.

 

Madame Rama Yade a par contre tenu, dans le même contexte, un propos problématique, emprunté à Eric Fassin, et passé inaperçu, lui. Interrogée sur l'existence du « racisme anti-blanc », cette dernière en a nié la possibilité, au motif que pour qu'il y ait racisme, il faut qu'il y ait « domination ». Un noir, donc « structurellement dominé » – au moins dans les sociétés occidentales – ne peut donc voir aucun de ses propos tenus pour raciste...

 

Un remaniement de la notion initiale

 

On assiste donc là à une extension inédite du domaine du racisme. La notion n'en est pas à son premier remaniement. Rappelons qu'à l'origine le racisme est une notion issue des théories pseudo scientifiques du XIXème siècle, et portées par exemple par Gustave Le Bon, ou George Cuvier. Elle suppose 1- l'existence de races différentes, 2 – la disposition de ces races sur une échelle d'infériorité et de supériorité. C'est clair, net et précis.

 

Nul besoin de racisme pour justifier l'esclavagisme, pratiqué par toutes les cultures humaines depuis la préhistoire, jusqu'à son abolition par l'Occident. La possibilité, même rare, de l'émancipation de l'esclave et de son incorporation dans la société des maîtres étant dans ce cadre parfaitement contradictoire avec toute idée de racisme. Nul besoin non plus de ce cadre représentationnel pour justifier les guerres, les massacres, les génocides si nombreux dans l'histoire humaine.

 

A l'inverse, les théories colonialistes étaient bien racistes, pour la plupart, mais cela débouchait plutôt sur un idéal d'émancipation et d'élévation des populations concernées, idéal bien peu mis en œuvre. Bref, la notion de racisme, sans aucun fondement, puisque la science nous confirme qu'il n'y a qu'une seule race humaine, servait à désigner la réalité d'une attitude complexe devant les autres.

 

Une dilution de la notion

 

Parti d'une théorie qui dispose la notion de racisme sur un territoire assez précis, et très utile pour le dénoncer, cette notion a connu plusieurs cercles qui en ont étendu le sens au point de le diluer. Elle a englobé la notion de xénophobie, pourtant précise depuis le monde Grec, qui l'a inventé. Les Grecs n'aimait pas les étrangers (surtout à l'Orient), ils étaient xénophobes assumés mais pas « racistes », notion totalement absente de leur horizon de pensée, même dans le cadre esclavagiste. Aujourd'hui, si quelqu'un dit « je n'aime pas les arabes », propos qui relève de l'espace de la xénophobie, il risque fort de se voir accuser de racisme. Pareil si un américain dit ne pas aimer la « culture indienne ». La base du racisme n'est plus la race, mais la culture. Ne pas aimer une autre culture fait de vous un raciste.

 

Et puis il y a aussi l'extension d'opportunité, quand on se fait traiter de raciste parce qu'on a reproché un comportement indélicat à une personne... qui a la peau noire. Plus besoin même de prononcer le mot racisme, qui devient implicite dans toute une série de situations, dont le seul énoncé suffit à dispenser de toute réflexion, puis que la cause est entendue : si des policiers tirent sur des délinquants qui les menacent, le fait se transforme immédiatement en récit : « la police tire sur des noirs ». Et peu importe d'ailleurs si l'un des policiers tireurs est noir aussi, et si les délinquants sont d'abord des délinquants, avant toute autre chose.

 

Racisme et assignation

 

L'étape suivante de l'expansion de cette notion, pourtant si pratique à l'origine pour dénoncer l'abjection qu'elle contient, est de qualifier le racisme non pas à partir d'un propos ou d'un comportement, mais à partir de position sociale, voire identitaire, de celui qui le tient. La notion de « racisme structurel » de la société occidentale assigne à chaque blanc d'être par nature raciste, quels que soient ses comportements (sauf quand il s'agenouille, en quelque sorte pour reconnaitre sa nature coupable).

 

Madame Rama Yade franchit un pas supplémentaire dans cette extension du domaine du racisme en soutenant que, quoiqu'il dise, quels que soient les propos qu'il tient, un « racisé » ne peut jamais être tenu pour raciste, puisque pour qu'il y ait racisme, il faut qu'il y ait domination. Culpabilité pour les uns, impunité pour les autres. La boucle est bouclée.

 

Cette petite étude illustre bien ce qui arrive lorsque les mots, outils précis et utiles pour décrire le réel, ici le fait qu'il y a bien, de tout côté, du racisme dans nos sociétés, et que celui-ci doit être combattu avec vigueur, connaissent une extension qui les vide de sens et les farcit d'idéologie jusqu'à leur fait dire le contraire de ce qu'ils veulent dire. Espérons que ce n'est qu'une mode.

 



28/11/2021
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